lundi 29 décembre 2008

Les faits sont peu de choses

Précisons tout d'abord tout le bien que l'on pense de ce film de Sean Penn, que l'on y adhère pleinement malgré quelques maladresses photo-animalières et qu'on lui prête la qualité de ces œuvres rares à mêmes de vous inspirer.

Il se trouve que le scénario est issu d'une histoire vraie, qui fit d'abord l'adaptation d'un roman, Voyage au bout de la solitude de John Krakaueur (1996) puis du présent film. Ce détail n'est pas sans importance quand on sait le principal reproché que d'aucuns adressent au film, la fin prétendue "bête","stupide" ou autre du personnage principal.

On ne saurait mieux montrer par telles déclarations combien le sens de ce film en particulier et de toute histoire en général font souvent l'objet d'une incompréhension de principe des plus regrettables.

Reprocher au film son dénouement, c'est d'une part réduire l'enivrement d'une épopée initiatique au désagrément du destin, mais surtout passer à côté de ce qu'un récit ne se réduit pas à ses faits, que ceux-ci ont un sens ou une fatalité pour lesquels la critique matérialiste est inopérante. Pas plus que Roméo et Juliette, le personnage d'Alexander Supertramp ne disparait pas par "bêtise" ou "manque de bon sens", mais par le jeu de la fatalité, au bout d'une quête spirituelle vaincue par l'absurde.

mercredi 24 décembre 2008

Les mots me manquent

Quelques semaines ébouriffantes, où le temps manque tellement qu'il n'est plus question de feuilleter le moindre roman, et les mots perdent leur fluidité. Je suis amené à rédiger quelques textes de style formel, et me voilà à craindre quelque régression vers une certaine forme d'académisme technique, sans couleur ni attrait. Une langue de diplomate sans imagination, se contentant du minimum et le faisant bien.

On imagine mal à quel point la fréquentation des livres nourrit son langage, et par la même la richesse et la beauté de ses idées. Alors que j'effleurais seulement cette aisance chérie de longue date, voilà que je m'en éloigne à nouveau. Courage et persévérance !


mardi 16 décembre 2008

Un homme très recherché, John Le Carré

On oublie souvent que l'espion qui venait du froid, l'œuvre qui a rendu célèbre l'ancien espion à 32 ans, date de 1963. Pas étonnant dès lors que l'on ressente les imperceptibles traces d'une sagesse vivifiante au fil des pages de ce nouveau roman, Un homme très recherché.

L'espionnage comme une affaire d'élégance, d'histoire, de mémoires et de luttes, c'est ce qui nous est proposé ici en suivant le combat d'Annabel Richter pour la défense des droits d'un immmigré clandestin tchétchène, Issa le tragique.

On aimerait en dire plus mais silence, car ces mots là méritent qu'on les lisent sans idée préalable, au grand air, en liberté.

lundi 1 décembre 2008

Les phalanges écarlates

C'était un matinée d'octobre de brouillard, de fumerolles, de terre gelée et ça et là de parcelles d'herbe pâle couverte de rosée. On se réchauffait comme l'on pouvait, en attendant que le café soit prêt. Les plus chanceux portaient moufles grises et écharpe de fortune, d'aucuns fumaient la pipe mais la plupart n'avaient rien, si ce n'est un vieux casque de métal froid garni de papier journal.

Le soleil perçait depuis quelques minutes quand ils apparurent au loin. Alors tous comprirent que le moment était venu et que nul ne pourrait y échapper. Le café prit un goût de fatalité que bien des années plus tard, il m'est toujours impossible d'oublier.

mercredi 19 novembre 2008

Les chambres d'hôtel

Lucie fut réveillée par ces grincements inhabituels qui hantent les chambres d'hôtel. Un coup d'oeil sur son téléphone portable : deux heures quarante cinq ; pas une heure pour se réveiller. L'obscurité partielle lui révélait les lieux en douceurs : le mur mat et son cadre à motif champêtre, un bureau sommaire fonctionnel partiellement dégagé, une penderie, des rideaux sombres atténuant comme ils pouvaient l'éclairage public extérieur. L'impersonnalité du lieu, sans pour autant l'émouvoir, suscitait en elle une désapprobation distante. Elle n'était pas dégouté ni gênée, pensait-elle, comme si cela aurait été accorder trop d'implication à une chose qui n'en valait décidemment pas la peine et qu'il convenait d'ignorer. Perdue dans ses pensées, elle finit par se rendormir, et se réveilla sans même se souvenir de ces instants de nuit.


mardi 18 novembre 2008

Hot Dog on The Go


Hot Dog on The Go
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Une troisième vie, puis quatre

Vie un, vie deux, vie trois, vie quatre, sautons de monde en monde, de planète en planète. Quelques jours avec vous, quelques jours avec toi. Le temps passe, vite, filons. Il nous rattrapera bien à temps !

lundi 17 novembre 2008

Les rappeurs sont des ringards comme les autres

Tout le monde aura remarqué à quel point le rap accorde de l'importance à cette mise en scène du soi : vêtements tendance, posture cool, scansion bravache tendance "moi je (vais te raconter la vie, en ai bavé, suis trop cool, etc.)". Même dans ses formes d'auto-dérision (Snoop dog, etc.), celle-ci semble toujours au service de soi et de son image. Le rap revendique, exhorte, se prend au sérieux, parfois à raison, mais semble accorder tellement d'importance à sa distinction et à sa propre mythologie (50cents, Tupac) qu'un petit slam s'impose ce soir à mon flow : les rappeurs sont de beaufs comme les autres, yeah man, les rappeurs sont des beaufs comme les autres, et dans la rue parfois ils se vautrent (big up !).

dimanche 16 novembre 2008

Raoul Dufy, le plaisir

Le Musée d'Art moderne de la Ville de Paris présente actuellement une exposition consacrée à l'œuvre de Raoul Dufy, peintre du début du XXème siècle dont la monumentale Fée électricité (1937) était déjà exposée à titre permanent dans une (immense) salle dédiée.

Cette exposition est intéressante à plusieurs titre. Non contente de mettre en lumière un peintre assez peu connu compte tenu de la notoriété qui fut la sienne de son vivant, l'oeuvre de l'artiste présente la particularité de balayer l'essentiel des mouvements picturaux du début du XXème siècle.

Raoul Dufy fut tour à tour impressioniste - ses paysages de Sainte-Adresse, fauviste suite à la découverte révélatrice de Luxe, calme et volupté de Matisse en 1904, cubiste lorsqu'avec Braque il rejoint Cézanne à Martigues et se prend de passion pour le travail des formes épurées, pour finalement parvenir à son propre style et l'appliquer aux paysages de Normandie de ses jeunes débuts.

Véritable touche à tout, il s'illustra dans la décoration de céramiques, le tissu, la peinture à l'encre ou encore l'aquarelle réhaussée de guache. Mentionons également son illustration des poèmes d'Apollinaire regroupés sous l'appellation du Bestiaire, travail atypique de gravure qui en dit long sur la multiplicité de l'artiste et son immersion dans la vie culturelle et artistique de son époque.


samedi 15 novembre 2008

Changeling, Clint Eastwood

Il arrive parfois que l'on éprouve comme une envie de classissisme, comme ce fut le cas en cette douce soirée automnale. La sortie conjointe d'un film de Clint Eastwood représente alors une aubaine bienvenue dont on aurait tord de se priver.

Changeling, présenté en France sous le titre L'échange, raconte l'histoire vraie de Christine Collins, une mère confrontée à la disparition de son fils dans le Los Angeles des années 1920 (1928 pour être précis). Inutile d'en dire plus, ce film gagne à être découvert au fil de la projection telle une surprise de saison. Evitez donc les bavards, d'autant que le scénario s'y prête bien plus que les deux précédents films du réalisateur, le fascinant dyptique d'Iwo Jima.

Passées les scènes d'introduction, les idées se font plus précises sur la teneur et la qualité de ce long métrage. Une photo impeccable, de toute évidence quelques facilités de mise en scène et d'éclairage (on se souviendra de la clarté des yeux d'Angelina Jolie), mais tout de même une certaine tenue très américaine et fort apréciable.

A mesure que l'on rentre dans le film, il se passe quelque-chose de surprenant : alors que l'on ne peut s'empêcher de noter ça et là quelques imperfections de tous ordres (toujours quelques plans proches - osons le dire - du cliché, un rythme de récit parfois un peu maladroit, des personnages un peu trop lisses, etc.), le film se met en fin de compte à fonctionner. On se (sur)prend au jeu, éprouvant tour à tour angoisse, colère, espoir, révolte, et surtout la satisfaction de passer un bon moment de cinéma, certes imparfait, mais tout à fait plaisant. Le film finit par dépasser ses lacunes, laissant le sentiment curieux de cahotements heureux sous une image de velours. Un semi-ratage et une belle réussite à la fois.




vendredi 14 novembre 2008

Sérénité automnale

Ce furent les piaillements des oiseaux qui me réveillèrent ce matin. J'ouvrai les yeux, une raie lumineuse se détachait de chaque côté du store du store pour traverser la chambre, rayons de chaleur et de vie lézardant dans la pénombre entre les livres, journaux et vêtements éparpillés.

mercredi 12 novembre 2008

Destinations



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Nos frontières intérieures

Petit à petit, pas à pas, nous avançons dans l'obscurité étoilée de nos vies, sereins ou terrassés d'effroi, honteux ou fiers, un peu plus surpris chaque jour et jamais découragé ou plutôt si, parfois, de si longs instants même, que l'on aimerait oublier et qui sans doute resteront.
C'est en parcourant cette route à tâtons que nous nous heurtons chaque jour à son balisage, bornes inébranlables au calme de pierre, qui nous limitent et nous définissent comme un musicien son répertoire.

samedi 25 octobre 2008

Flacon magique

C'est un parfum exaltant aux reflets de merveilleux, douce excitation des sens, porteur des meilleurs espoirs comme des plus terribles craintes. Un parfum de joie, de surprise, d'inconnu, de petites riens et de grands touts. Un parfum dont le souvenir enivre le cœur et l'âme comme rien d'autre encore, coup de tonnerre suave dans l'immensité d'un ciel infini. Que je respire encore et rêve de respirer, aussi longtemps que je pourrai être à tes côtés.


Boy meets girl !

Original photo by Liveabundantly

mardi 21 octobre 2008

Absurdité, tristesse, et puis

Des souvenirs fleuriront, oui, distorsions dansantes et pulvérisations de lumières éblouissantes, de cette terre humide d'automne aux senteurs végétales. Et cette vue, oui, quelle vue, cet océan immense et majestueux, calme, mobile, infini, qui se reflète dans nos yeux, et ce vent marin que l'on respire dans toute sa plénitude. Nous ne sommes rien.


lundi 20 octobre 2008

La grande librairie, François Busnel

C'est une émission où l'on parle enfin de littérature, d'écriture, de procédés de construction, de style, de mots et d'histoires. Loin des vilenies de messieurs Durand et Ondelatte, du néant de M. Picouly, il est enfin possible de voir à lire sur le petit écran. Dans un décor sobre constitué de piles de livres multicolores sur un fond noir, face à un public attentif et respecté, François Busnel reçoit des écrivains pour aborder avec eux, au travers de leurs derniers essais ou romans, la question de la création littéraire. On n'en revient tout simplement pas de voir avec quelle évidence M. Busnel interroge ses interlocuteurs sur la construction d'un roman, tant ses prédécesseurs ou concurrents nous avaient habitué à ne rien comprendre à leur affaire et passer bruyament à côté de l'essentiel. Une bouffée d'air frais salutaire et pleinement recommendable.


Hope


Hope via Sweater
Originally uploaded by kristi.nicole

dimanche 19 octobre 2008

J'aimerais être heureux, parfois

J'aimerais être un grand dégarni, un peu gras et brioché, étalant superbement comme autant de vérités toutes faites mes idées plates sur le monde, la politique et la crise financière. J'aimerais être marié à une femme terne et fade, pâle copie sans âme de madame tout le monde, lectrice de Match et de Marc Levy, au Monop' le samedi matin et aux Galeries l'après-midi. J'aimerais trouver un intérêt aux émissions de M. Ardisson, vraiment. J'aimerais être samedi soir dans mon quatre-quatre noir rutilant, en compagnie de ma femme, écoutant RTL le temps d'un trajet vers une invitation mondaine où il sera question de vin, people, religion et météorologie. J'aimerais être un peu plus tard, de retour à l'appartement, débrayé et un peu saoul, commentant les tenues et les discussions pendant qu'elle se démaquille. J'aimerais éteindre la télévision et me coucher heureux et fier, empli d'aspirations et bientôt de rêves qui ne manqueront pas de se réaliser. Car la vie est ainsi faite et sourit à la normalité.

samedi 18 octobre 2008

être ou exister, là est la question

Imaginons deux personnes en tout point identiques. Même visage, mêmes vêtements, mêmes goûts, même connaissance, mêmes aspirations, même ville, même quartier, même emploi, même situation familiale, mêmes joies, mêmes peurs. Maintenant, supposons que de ces deux êtres, l'un ait dû faire preuve de courage, de volonté et de travail pour en arriver là, et que l'autre se soit contenté d'une voie toute tracée sans obstacle apparent. N'est-il pas étonnant que de ces deux êtres en tout point identiques, l'un mérite plus que l'autre ? Autrement dit, que ce que je suis et vis n'ai que peu de chose à voir avec ce que je mérite ? Remarquons aussi que l'effort est une piètre mesure du mérite, car s'il me faut plus d'efforts qu'un autre pour arriver au même point, pour peu que ni lui ni moi n'aient bénéficié de faveurs extérieures, c'est bien que son jugement et ses aptitudes sont supérieures aux miennes, et que dans ce cas l'effort et le travail qu'il m'aura fallut employer ne sont que la mesure de mon infériorité. Mais laissons de côté ces absurdités morales, qui n'ont en fin de compte pas grand intérêt.

On m'objectera que l'hypothèse de départ ne correspond peut-être pas à une réalité, qu'il n'est tout simplement pas possible que deux personnes identiques aient eu un parcours si différent pour devenir ce qu'elles sont. Et bien, pourquoi pas ? Ne pourrait-il exister des formes de convergence de personnalité, des sortes d'attracteurs qui feraient qu'une fois lancé dans une direction, on converge vers un certain type de vie et de personnalité tout à fait commun et partagé par biens d'autres ?

Centre place


centre place
Originally uploaded by thescatteredimage
Melbourne, Australia

vendredi 17 octobre 2008

Un matin quelque-part

Je respire à pleins poumons l'air frais des matins d'hiver, tandis dans l'herbe, mille gouttes de rosée s'illuminent aux premiers rayons d'un soleil pâle. Je change de vitesse, monte sur le trottoir en soulevant la roue avant d'un coup sec sur le guidon, à peine ai-je le temps d'observer ces instantanés de vie matinale à travers les fenêtres illuminées des pavillons alignés. Une tournée qui s'achève, et la journée peut commencer.

mardi 14 octobre 2008

Provocateurs

Fourmillement d'étoiles dans le nez,
la coke, il n'y a que ça de vrai !
Je ne suis pas certain de savoir ce qu'il convient de faire de ses instincts de provocation. D'un côté, il faut bien reconnaitre que ce n'est pas donné à tout le monde. Il faut un peu de subtilité pour provoquer, cela demande d'avoir saisi quelque lâche mécanique humaine et de la tourner en dérision par quelque procédé (pas toujours) habile. De l'autre, on n'est jamais réellement satisfait d'un comportement malin, toujours sous l'accusation de n'être qu'une forme superficielle de discernement peu contrôlée.


dimanche 12 octobre 2008

Dans la tête de l'écrivain

Certaines personnes s'adonneraient à l'écriture emportés par une passion sans fin, une pulsion de mots et de phrases emportant tout sur son passage. Je ne sais pas s'il faut les envier, et ne suis d'ailleurs pas convaincu de l'existence d'un tel élan autre que pathologique. A la manière d'Ulrich qui, dans l'une de ses tentatives pour devenir un homme de qualité (L'homme sans qualité, Robert Musil, 1930-32), découvre combien les ingénieurs sont capables de mettre une quantité infinie d'intelligence dans leur travail et bien peu dans leur vie, ce que je ne peux que confirmer, cette analyse est tout à fait adaptée au processus artistique et à plus forte raison littéraire.

On peut en effet se demander si la véritable élégance ne résiderait pas justement dans l'acte d'écriture et non dans l'œuvre elle-même. N'est-il pas plus louable de chercher à être quelqu'un qui écrit, simplement et sincèrement, avec le respect que l'on doit à cet art, plutôt que dans la vanité de l'œuvre ? Ne serait-il pas plus juste que l'œuvre récompense une attitude et non la voracité vaniteuse de l'aspirant à la reconnaissance ?

vendredi 10 octobre 2008

Become yourself

J'éprouve parfois une grande admiration pour ces personnes qui s'efforcent de se comporter comme celui ou celle qu'elles aimeraient devenir. Loin des clichés du cool, du be yourself ou du acceptes-toi tel que tu es, par ailleurs non dépourvus de tout intérêt, il s'agirait plutôt de s'accepter non en ce qu'on est mais en ce qu'on aspire à être. Cela n'est pas sans poser quelque problème. Si l'on aspire à être, c'est que l'on n'est pas tout à fait. Il y aurait donc un certain refuse-toi tel que tu es dans l'air, et donc un certain effort à consentir. Pas cool, moi qui comptais me reposer ce soir.

jeudi 2 octobre 2008

Campagne américaine

Rien de tel que le Daily Show pour suivre avec humour les rebondissements de la campagne présidentielle américaine. Cet émission remarquable, qui n'a aucun équivalent en France, présente la particularité d'être extrêmement suivie et de compter régulièrement des invités de première ligne, dont les deux principaux candidats eux-même. Dernièrement, John Steward y regrettait le faible niveau de la campagne présidentielle, en dépit des attente que l'on pouvait porter sur John McCain et Barack Obama, deux personnalités de tout autre calibre que M. Bush. On ne saurait conseiller à M. Steward de considérer la politique française, caractérisée par une opposition de haut niveau entre caricatures d'arrivistes populistes de petit calibre (et accessoirement au pouvoir) et une opposition plus pathéyique de jour en jour. Give me the green card please !


mardi 30 septembre 2008

Les vestiges de la programmation objet

Peut-être que dans quelques siècles, tel aventurier d'un autre temps explorera quelque ruine abandonnée de notre civilisation, tombeau sombre et poussiéreux, bravant les araignées, les insectes, les rats et les fantômes, pour y trouver les restes d'un langage objet oublié gravé sur une stèle usb, au milieu des vestiges d'un open space antique.

lundi 29 septembre 2008

L'art du rétablissement

Qui n'a jamais connu ces longs moments de fatigue embrumée, où les choses se présentent si mal, en si peu de perspectives que l'on en vient à se demander comment faire en sorte que de telles journées aboutissent à une quelconque satisfaction ? Aujourd'hui aurais-je au moins eu le plaisir de trouver quelques solutions à ces délabrements passagers. Sport, littérature, patience, calme et application, autant de clés à cet art précieux du rétablissement qui aura sauvé ce jour de la fatigue et l'ennui.

dimanche 28 septembre 2008

Entre les murs, Laurent Cantet

Voilà que sort enfin le film de Laurent Cantet, inspiré du roman homonyme de François Bégaudeau, et qui succède à 4 mois, 3 semaines, 2 jours au palmarès du festival de Cannes. Une récompense décernée à l'unanimité du jury, accompagnée de critiques élogieuses, ce qui laissait augurer un moment de cinéma supérieur à ce que l'on pouvait s'attendre, à savoir un film de bonne tenue sur les difficultés de l'enseignement en milieu défavorisé.

Une fois le film terminé, on est toujours en attente de cette surprise que tant d'éloges laissaient entrevoir et que le film n'apporte finalement pas. Approche neutre, personnages bienveillants et sans profondeur, thèmes connus, voilà un film de bon élève dont on attendait mieux, et qui ne surprendra que les personnes suffisamment coupées de la réalité pour y trouver quelque forme d'exotisme, qu'il soit compassionnel (de gauche) ou dédaigneux (de droite). Un film qui malheureusement ne convaincra que les convaincus à la mémoire courte.

vendredi 26 septembre 2008

La chambre haute touche le fond

Il faut véritablement entendre M. Lambert motiver sa candidature à la présidence du Sénat par le seul principe démocratique pour mesurer le degré de bêtise à laquelle notre politique française nous accoutume un peu plus chaque jour. Déjà, le seul fait que M. Raffarin avait pu un instant considérer comme légitime le fait de se présenter à ce poste avait provoqué l'hilarité générale il y a quelques semaines. Voilà maintenant que le pire ministre du budget de ces vingt dernières années, motivé ou non par le soufflet infligé au Phénix du haut Poitou, se sent des ailes pousser et revendique un titre dont il est bien le seul à se voir mériter. Misère d'une chambre haute devenue retraite de luxe pour politiciens dépassés, abaissée à des considérations de cloches et de clochers quand notre politique aurait tant besoin d'un peu plus de talent et de grandeur d'âme.


jeudi 25 septembre 2008

L'atroce impuissance de la création

Dans un essai sur la laïcité, Jean Bauberot nous rappelle que "Le passé, ce ne sont pas seulement des racines, c'est aussi ce dont nous nous sommes affranchis". Sages paroles qui rejoignent le dilemme de Gauguin tel que raconté par Monique Canto-Sperber ce matin sur France Culture : Gauguin se sent le devoir envers soi même de quitter sa famille et partir pour Tahiti, seule condition possible pour devenir ce à quoi il aspire. Il y a ce que je dois aux autres et ce que je dois à moi-même. Ais-je raison de causer du mal pour un rêve ? Une réponse n'est-elle possible qu'une fois la quête achevée ?

mercredi 24 septembre 2008

M. Houellebecq lance un appel au secours

Sans se départir de son sérieux, le quotidien de référence annonce la parution prochaine chez Flammarion d'un essai épistolaire entre Michel Houellebecq et Bernard-Henri Levy. Les rumeurs avaient circulé quant au nom du correspondant de notre écrivain post-dépressif en exil. Peu annonçaient un homme de lettres, encore moins de talent ; c'est donc sans véritable surprise que l'identité du célèbre mythomane nous fut révélé, et l'on se demande déjà si ce dernier se sera contenté d'expliquer à M.Houellebecq comment écrire, où s'il aura tenté d'associer le post-nihiliste à l'implication totale qu'il mène dans le combat pour la promotion de son implication.

mardi 23 septembre 2008

L'iPhone bientôt libéré ?

L'autorité de régulation des télécommunications, l'ARCEP, a décidé de lancer un nouvel appel d'offre pour un quatrième opérateur de téléphonie mobile. On se souvient que la précédente demande avait eu pour seul réponse celle de l'opérateur internet free, ce dernier se voyant finalement refusé un étalement du coût sur plusieurs années.

Il faut croire que les nombreuses protestations liées à ce refus, imputables non moins à un engouement soudain pour la concurrence qu'aux suspicions partiellement confirmées d'ententes entre les trois opérateurs existants, ont eu raison du lobbying de ces derniers.

On peut alors espérer que free, dont la stratégie commerciale a jusqu'à présent été fondée sur l'innovation à bas coût, exporte son modèle vers la téléphonie mobile et fasse chuter les prix et disparaitre par là même les marges abusives de ses futurs concurrents.



lundi 22 septembre 2008

Le Cuirassé Potemkine, S.M. Eisenstein

On trouve bien des raisons à reporter à plus tard la découverte de ce film si monumentalement présenté comme monument du patrimoine cinématographique : il s'agit d'un film ancien (1925) et osons même le dire, en noir et blanc ; sur un sujet qui ne fait plus guère rêver maintenant que l'on connait le dénouement de ces révolutions russes ; un film qui paie par ailleurs le prix de sa notoriété et de son statut, par une certaine réticence naturelle, comme celle qu'un lycéen prêterait à un roman classique imposé.

Offrons donc ici quelques sources de motivation au cinéphile dubitatif. Commençons par des arguments de concessionnaire : les performances. 72 minutes seulement ! Oui, 72 minutes vous suffiront pour enfin découvrir non seulement ce qui se cache derrière cet intriguant navire, mais également pouvoir évoque la "célèbre" scène du landau sur les escaliers d'Odessa, enrichir par là même votre connaissance de la géographie côtière ukrainienne, attribuer un film à Serguei Mikhailovitch Eisenstein (allez, je vous en offre un deuxième en prime, Alexandre Nevski), apprendre que les initiales S.M. devant Eisenstein ne font aucunement référence à des pratiques sexuelles ou à quelque titre de noblesse, etc.

Si tout cela ne vous a pas déjà convaincu, ajoutons cet ineffable mystère de l'histoire, qui vous fera contempler ces visages d'hommes et de femmes d'il y a presque un siècle, vivants, si vivants malgré les vertiges des ans et ce noir et blanc si vite oublié.



dimanche 21 septembre 2008

Des papous empapaoutés

Les exercices littéraires sont parfois cruels. Dans l'émission Des papous dans la tête diffusée ce midi, il fut question de distinguer parmi quatre textes lesquels relevaient de pastiches et lequel avait pour véritable auteur Blaise Cendrars. Les enthousiasmes communicatifs des deux joueurs à attribuer à chaque texte son auteur, dument argumentés à l'aide d'analyse techniques ou d'exaltations littéraires irréductibles, n'eurent d'égal que leur déconvenue à la révélation des réponses. Un tout faux qui fit passer les quelques phrases écrites à la va-vite par un pasticheur néammoins talentueux pour du Cendrars, et du Cendrars pour du cochon. Du mauvais usage de l'affectation ...

samedi 20 septembre 2008

Exercice de style

A la manière de ces journalistes de presse écrite en charge de billets, il est parfois bien laborieux de se prêter à l'exercice d'une écriture quotidienne en un temps limité. Le risque est grand de tomber dans une forme d'inSolétion, où le danger d'insignifiance du sujet ne trouve compétiteur à sa mesure que dans le vaste déploiement d'idées de carton auquel il pourrait donner lieu.
On accordera au quotidien de référence cette intéressante idée d'un éditorial non signé, attribué au vaste Monde et dont l'écriture est en réalité répartie de façon alternative entre les journalites. Un sujet vient à trouver quelque réponse indignée ou courroucée ? Le nom de l'auteur se dévoile alors, tenant pour établi sa signature, ce qui pourra étonner le lecteur attentif et peu au fait de cet anonymat sur mesure.
A ces scrupules d'un texte peu digne d'exposition, tout au moins pourra-t-on accorder le crédit d'une certaine conscience de la valeur des idées et des mots, gage d'une certaine sensibilité à défaut d'un certain talent.


jeudi 18 septembre 2008

Les bonnes dispositions

"My way to hapiness is questionable, I know" chante Action Biker dans The Fight, dernier titre de son album Hesperian Puisto. On ne saurait mieux dire et de si belle façon.


mercredi 17 septembre 2008

Ce que parler veut dire (de plus)

Comme l'énonçait Pierre Bourdieu dans Ce que parler veut dire, il y a dans toute forme d'oralité un implicite. On peut y voir, comme le fit le sociologue, un ensemble de présupposé résultant de structures sociales intériorisées. On peut également prolonger cette analyse en affectant aux structures mentales une composante psychologique intériorisée qui viendrait compléter la composante sociale. Ne s'agirait-il pas de cela quand on reproche en son for intérieur des propos tenus par un locuteur, non tant du fait de leur contenu que dans ce qu'ils attribuent implicitement au destinateur que nous sommes ?

mardi 16 septembre 2008

leçon de crise financière, chapitre 1

subprime : crédit immobilier accordé à une personne avec un fort risque d'insolvabilité, mais compensé par une hypothèque sur le bien, dans un contexte initial de marché de l'immobilier haussier. Si l'emprunteur ne peut plus rembourser, la banque devient vend le bien et recouvre la somme empruntée.

titrisation : je suis une banque ayant concédé à M.X un crédit hypothécaire à risque ou subprime. J'ai donc versé une somme à M.X en échange d'un remboursement garanti par son logement. Plutôt que d'attendre le remboursement, je vais vendre cette obligation contractuelle qu'à M.X de me rembourser, que j'appelle alors titre, à une autre banque. Le prix de ce titre est alors de l'ordre de grandeur de la somme prêtée.

crise des subprimes : l'effondrement du marché de l'immobilier américain, associée à une hausse des taux d'intérêt servant de base au calcul des remboursements de ces emprunts, a provoquée une hausse de l'insolvabilité avec impossibilité pour les créanciers de recouvrer la somme prêtée par la vente des biens. La valeur des titres s'effondre.


lundi 15 septembre 2008

Un lundi noir sous une pluie battante

On entend tout et son contraire sur l'ampleur de la crise financière qui secoue actuellement les Etats-Unis et, mondialisation oblige, la planète toute entière. Du côté d'un certain président du FMI, la métaphore est à l'orage. Patience, nous dit-il, la tempête n'est pas terminée, mais espérons que cette nuit de trombes d'eau zébrées d'éclairs ait quelque vertu purificatrice.
En vérité, l'économie ne se résume pas au secteur financier, et Joseph Stieglitz, qui patiente sous la pluie comme les autres, fait bon de rappeler que nous disposons aujourd'hui d'un certains nombre d'outils qui faisaient défaut en 1929. Les parapluies chinois et les bottes en caoutchouc indiennes , en effet, devraient nous rappeler que l'économie mondiale ne va pas si mal.

dimanche 14 septembre 2008

The Player, Robert Altman

Il y a bien sûr ce plan-séquence introductif de près de six minutes, scène d'exposition virevoltante dont on ne peut goûter l'entière saveur qu'une fois le film vu (vous avez dit DVD ?) ; il y a la mise en abîme finale, aussi maligne qu'un sourire dans un commissariat; il y a Bruce Willis, Julia Roberts, Jeff Goldblum, Sidney Pollack, Whoopie Goldberg, et quelques cinquante autres stars de ce petit monde; il y a Tim Robbins, auquel Robert Altman taille ici un rôle sur mesure, c'est à dire immense (1,94m) ; enfin il y a Greta Scacchi, femme parmi les femmes de cette génération, actrices d'un film oubliées dès la première ride.


samedi 13 septembre 2008

Une journée sans

Les déconvenues d'un jour : découvrir la bibliothèque nordique (fermée, ne rouvre que le 20 septembre), mettre la main sur une paire de S***r (une après-midi de marche pour r**n), compenser par un iPod touch 2G (en rupture untouch 2G), progresser dans les lectures de la semaine (pas cap de tout lire dimanche), surprise, des plaques à induction qui rendent l'âme et enfin un état de fatigue et lassitude suffisant pour rendre ces anodins désagréments aussi terribles que si le Destin lui-même avait décidé de vous snober comme un barman parisien.

La question du jour : är det möjligt att lyssna på P1 med iPod Touch ?

L'action du jour : prendre deux touristes en photo devant Notre-Dame ; la journée n'aura pas été perdue pour tout le monde ...

jeudi 11 septembre 2008

New ipod line - The thinnest Steve Jobs ever

C'est vrai qu'il était difficile de ne pas imaginer, alors que le CEO d'Apple présentait mardi sa nouvelle ligne de baladeurs Ipod, tenant dans la main le "thinnest nano ever", de ne pas imaginer une main immense tenant à son tour Steve Jobs tenant son Ipod, une voix off présentant les mérites comparés du "thinnest Steve Jobs ever" et de ses déclinaisons.
L'intéressé, non dépourvu d'une certaine auto-dérision, avait tenu à commençer sa présentation de façon fort inattendue ...

mercredi 10 septembre 2008

Les riches sont des feignants

Parmi les préjugés conservateurs les plus répandus, on trouve cette idée saugrenue selon laquelle les pauvres, et plus précisemment les chômeurs, seraient de sombres paresseux qui profiteraient des allocations sociales au soleil.

Ce genre de fadaise est intéressante à plus d'un titre. On peut en particulier s'étonner de la voir prononcée régulièrement par des personnes ayant par ailleurs tous les gages d'une éducation de qualité. Pierre Bourdieu avait coutume de remarquer que les individus se comportaient régulièrement dans un sens favorable à leurs intérêts, fut-ce inconsciemment. Dans notre cas, quel intérêt plus pressant pour une personne de catégorie sociale supérieure que de légitimer sa position et se dédouaner ainsi de toute culpabilité vis à vis des moins favorisés ? La grille d'analyse de l'intérêt particulier se prête particulièrement bien à cette situation, et conduit par exemple aux jugements de valeur associés, en particulier celui de la valeur travail. Curieuse coincidence en effet que ceux qui la revendiquent aient tout intérêt à le faire compte tenu de leur activité (responsabilités, rarement un emploi à la chaine) et de leur situation sociale (hauts revenus contre horaires soutenus).

Il y a par ailleurs dans cette affirmation une certaine forme de fanfaronade à valeur morale, du "moi, contrairement aux autres, je", qui n'a pas grand chose à voir avec les principes élémentaires de l'économie. On devrait pourtant se méfier de toute déclaration de ce type, consistant à preter à d'autres un comportement qu'en aucun cas on ne preterait à soi-même. Pourquoi une catégorie particulière de la population, en l'occurence les chomeurs, seraient pourvus d'un sens moral défaillant qui en justifierait même leur situation ? Il faut croire que certains ne se contentent pas d'avoir, ils veulent aussi le mérite de leur situation. Chiche.



mardi 9 septembre 2008

Une journée vide est souvent bien remplie

Voilà quelques jours maintenant que je me promets d'écrire quelques mots sur ce que l'on pourrait appeler l'accessibilité de l'art, et plus généralement de la beauté. Je veux dire par là qu'il est tout à fait possible, et même probable, de passer une journée sans être confronté à la moindre expérience esthétique et - pire encore - sans s'en rendre compte le moins du monde et le regretter.

Une caricature de journée moyenne d'un individu moyen (qui n'existe pas, soit) commencerait par l'écoute radiophonique d'informations, se poursuivrait par une lecture d'un quotidien (gratuit ou non) dans les transports en communs, le déroulement d'une journée de travail ronronnante, une fatigue et lassitude progressive, un retour somnambulique dans les transports en communs, quelques heures plus ou moins attentives de boite à images, dix pages d'un roman sans nom et un repos bien mérité. Qu'y aurait-il à redire à cela ? En une journée, notre individu inexistant s'est tenu informé des actualités à différentes reprises, a abattu un ensemble de tâches professionnelles conséquentes et gagné le droit de se se divertir sans déshonneur, du moins en bonne conscience.

Une journée vide est souvent bien remplie.


lundi 8 septembre 2008

Aimez-moi les uns les autres

Tandis que le Parti Socialiste prolonge sa petite sieste estivale, un diabolo fraise à portée de main, à l'UMP, apprend-on dans Libération, on ronge son os en attendant que son altesse présidentielle daigne lâcher les chiens. Les querelles relatives aux prochaines élections régionales ou à la présidence du parti sont oubliées, le temps d'une photo de famille "entre amis". Pas de morsures de mollets donc, mais des crocs bien visibles, qu'ils soient assumés ou camouflées par une fausse bonhomie de vendeur d'assurance picard. Bienvenue chez les ch'gros malins ...


dimanche 7 septembre 2008

Armes, trafic et raison d'Etat

On ne saurait que recommander le très instructif documentaire sur le commerce et le trafic d'armes diffusé sur Arte la semaine dernière, et toujours visible sur le site internet Arte+7. De la guerre civile en Sierra Leone aux délibérations de l'ONU à New-york, en passant par les affrontements de guerilla dans la région des grands lacs africains, Paul Moreira suit les activités d'organisations non gouvernementales, en particulier Amnesty International, dans leur lutte contre le commerce des armes.

Après avoir montré comment un simple cliché photographique a pu conduire à prouver l'implication de la Chine au Darfour, le journaliste mène un véritable travail d'enquête, quitte à prendre des risques, pour remonter la filière de l'armement à partir d'observations de terrain. Un numéro de série sur le flanc d'un AK47, et c'est une usine et un pays producteur qui sont identifiés. Mais le réseau de l'armement clandestin n'est pas si simple. Combien d'intermédiaires entre ces miliciens Tutsi et l'entreprise d'armement en amont de la chaîne ?

Une fois ce constat établi, l'absence de législation internationale parait au mieux absurde. D'où cette initiative de plusieurs ONG, à l'origine d'une proposition d'accord négociée à l'ONU sur la réglementation du commerce d'arme et la mise en place d'un droit international. Bien des Etats semblent convaincus du bien fondé de la démarche, mais encore faudra-t-il convaincre les Etats-Unis, premier vendeur d'armes au monde, de signer l'acte de condamnation de ses propres activités clandestines ...




samedi 6 septembre 2008

Le chevalier ivre

"- Il y a un chevalier ivre dans votre roman ?
- oui, je viens de l'inventer"
Mais il n'y a pas que cela dans ce film : des robes de soie à motif floral, des rideaux rouges qui se balancent dans le vent, des soupes et soja et des nouilles, un jeu de majong, des frôlements chastes que l'on ne peut oublier, une conversation sous la pluie, une vieille histoire où il est question de secrets qui se racontent aux arbres et que l'on scelle avec de la terre, et les pantoufles de Mme Chang.

Be Happy, Mike Leigh

Voilà un film qui a contre lui bien des arguments. A commencer par Mike Leigh lui-même. Comment ne pas trouver suspect cet incroyable retournement de point de vue d'un des réalisateurs les plus pessimistes qui soit. Que ce soit avec Secrets et Mensonges, All or Nothing ou plus récemment Vera Drake, on s'était habitué à ces témoignages de désespoir social, de face à face avec une réalité sombre que Mike Leigh se chargeait de nous remémorer.
Be Happy nous est annoncé comme une comédie sociale pétillante, mettant en scène un personnage maladivement optimiste (Sally Hawkins) et bien décidé à transmettre sa bonne humeur à la terre entière.

L'expérience du film passée, que reste-il de ces a priori ? Avant tout le soulagement d'avoir échappé à un nouveau feel good movie et aux décors et émotions de carton pâte qui vont avec. Certes, il s'agit d'une comédie, mais l'orientation émotionnelle du film est plus nuancée. Poppy, malgré ses efforts, échoue à plus d'un titre dans sa mission de soeur sourire. Quelques scènes laissent la place à la tension et l'émotion et on est presque surpris de retourver là le Mike Leigh que l'on a toujours connu.

L'ensemble du film le plus cockney de l'année laisse une impression certes inégale, mais entre les quelques maladresses et de vraies scènes de cinéma qui touchent juste, tant dans le registre de la comédie (un cours de flamenco inoubliable) que du drame ("you know..."), on ne peut que souscrire à l'optimisme de Poppy et accorder à Be Happy la sympathie qu'il mérite.



jeudi 4 septembre 2008

Les premiers mots

Impossible de retrouver les mots exacts, mais le sens y est : "que Dieu me soit témoin du fait que j'aurais tout tenté pour l'élever vers quelque-chose de plus noble et de plus digne". Il s'agit là des regrets du personnage de Swann, exprimant son dépit à constater l'attachement d'Odette aux Verdurins, et son impuissance à y mettre un terme.
Grâce à l'émission l'éloge du savoir, programmée chaque matin de 6h à 7h sur France Culture, il est ces temps-ci possible d'être réveillé - thème ô combien proustien - par les mots du maître et les analyses d'Antoine Compagnon. Pour un éveil aux horizons plus nobles et plus dignes ?

mercredi 3 septembre 2008

Rentrée du journal télévisé

Nouvelle tentative de journal télévisé de France 2 ce soir, nouvel échec. A peine présentés les différents titres de son édition, M. Pujadas enchaîne sur son premier sujet : un nouvel acte de piraterie dans le golf d'Aden, sur un voilier français et concernant au moins deux de nos ressortissants. Voilà, selon l'équipe journalistique de la chaîne publique, le principal fait marquant intervenu depuis 24 heures sur notre belle planète. Ouvrir son journal sur un fait divers français à l'international, il fallait y penser, M. Pujadas l'a fait ...


mardi 2 septembre 2008

Gomorra, Matteo Garrone


Le roman homonyme avait valu de sérieuses menaces à son auteur, Roberto Saviano, ouvertement menacé de mort par la Camora. Avec cette brillante adaptation cinématographique de Matteo Garrone, nous voilà donc plongés en pleine Campanie italienne, spectateurs témoins de ces luttes de clans dictées par le règlement de compte permanent.

Le cadre, tout d'abord, est impressionnant. Deux immenses barres d'immeubles décharnées, tels d'antiques paquebots en ruines échoués parmi les champs et la poussière. A l'intérieur, la vie fourmille, pauvre et digne comme le veut l'image. Un homme mûr, Don Ciro, circule d'appartement en appartement, distribuant aux personnes de sa liste un nombre précis de billets. Mais les temps sont dûrs, on parle même de sécessionnistes de plus en plus nombreux et organisés, personnes n'est plus à l'abris. Le jeune Toto, lui, n'a pas 14 ans qu'il rêve déjà de rejoindre l'organisation; son meilleur amis rejoint les sécessionnistes. Plus loin, deux jeunes se croient plus malin que tout le monde et jouent avec le diable. Un tailleur responsable d'un atelier de haute couture se risque lui aussi à mettre sa vie en péril, tant par besoin que par défi. Enfin, une entreprise offre un bon prix à qui saura la débarrasser de ses déchets toxiques. Les carrières napolitaines ne sont pas loin.

A travers ces morceaux de vie croisée, ce sont autant de facettes qui confirment la violence et la haine d'une société rongée par le crime organisé, sans jamais par ailleurs tomber dans la complaisance à laquelle ce type de sujet nous avait habituée. Loin de la violence apologétique des Scarface et autres Parrains, la pauvreté, l'oppression et la peur teintent chacune de ces histoires entremêlées et nous révèlent un peu plus la mécanique rouillée et inquiétante de la pieuvre.



lundi 1 septembre 2008

Le silence de Lorna, Jean-Pierre et Luc Dardenne


Le dernier film de la famille Dardenne, qui aurait pu valoir une troisième palme d'or cannoise à ces inséparables frères, doit beaucoup à son actrice principale, Arta Dobroshi. Une fois de plus, il est ici question de misère sociale. Une jeune femme, en partie manipulée par un sordide organisateur de mariages blancs, envisage de se débarrasser de son mari toxicomane, en mettant en scène une overdose. Il faut se presser, un client russe étant déjà promis à la future veuve.

Le scénario en place, tout se passe comme si les acteurs donnaient vie à leurs personnages et les laissaient réagir à cette mise en situation périlleuse. C'est alors un remarquable travail de précision et d'empathie qui nous est offert. Fabrizio Rongione est glaçant dans son interprétation du salopard faussement sympathique (Fabio). Jérémie Rénier, comme toujours, s'avère particulièrement convaincant et donne à Claudy toute sa fragilité, sa misère et malgré tout cet espoir ténu d'en voir un jour le bout. Que dire enfin d'Arta Dobroshi, inconnue il y a tout juste quelques mois, révélée au grand jour dans ce rôle taillé sur mesure ? Elle incarne ici à merveille cette femme marquée par la misère mais qui, comme Claudy, garde espoir. Mais celui-ci est noir, glacé par ces sales compromissions qu'il faut bien accepter pour pouvoir s'en sortir, c'est du moins ce que tentera de lui expliquer Fabio. Une fable moderne venue du Nord, pour ne pas oublier ce qu'est la vie et ce qu'est le cinéma.


mercredi 30 juillet 2008

Escapades

Je nage dans ce bleu calme et tactile aux mille reflets ondoyants. De petits groupes de poissons multicolores explorent les rochers habités de coraux, d'algues d'anémones et d'oursins.
Au dessus de nous, dans la sècheresse estivale au parfum de cigales et de cyprès, le soleil écrase de ses rayons ardents la surface cahoteuse de cette mer antique.

mardi 29 juillet 2008

Carpe diem, une récupération adroite

A défaut de comprendre le latin, est-ce que le président de la république pense (hypothèse forte) au Cercle des poètes disparus en entrant chez Cartier ou lorsqu'il sabre une bouteille de Dom Perignon ? En contrepoint, et pour ne citer qu'eux, qu'iriez-vous dire aux millions d'enfants en sous nutrition et à toutes ces personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ?
Le monde n'est plus ce qu'il était. Les conservatismes pesants de hier cèdent dorénavant la place à une individualisation planétaire des meurs bien peu recommandable. Et devinez quoi : ce sont toujours les mêmes à la baguette ...

lundi 28 juillet 2008

mercredi 23 juillet 2008

Les billets sous le Tapie, où les bons comptes font les bons ami

"La totalité des membre non fonctionnaires du conseil de l'EPFR comme celui du CDR a voté en faveur de l'arbitrage, à une exception près" M. Richard, directeur de cabinet du Ministre des Finances.

Il y a de cela quelques années, un homme d'affaire, conseillé alors par une filiale du Crédit Lyonnais, vend Adidas à M. Robert Louis Dreyfus. La transaction passe en réalité par divers intermédiaires créés par une autre filiale du Crédit Lyonnais, qui s'en tire avec une plus value conséquente en raison d'une sous évaluation suspecte.
L'affaire passe en justice, la cour de cassation finit par réfuter les doléances de M. Tapie, mais diverses péripéties conduisent à un redémarrage de la procédure judiciaire.

Nous en sommes là quand les liquidateurs du groupe Bernard Tapie demandent au CDR (Consortium de réalisation) qui gère le passif du Crédit Lyonnais d'entamer une procédure d'arbitrage. On est alors en droit de se demander pour quelle raison ce dernier accepterait, dans la mesure où la procédure judiciaire lui a été jusque là favorable et n'a aucune raison de conduire à une victoire de M. Tapie, d'autant que le temps joue de toute évidence en faveur du CDR.

Outre l'intérêt naturel du CDR à refuser la demande de Bernard Tapie, le passage par une procédure d'arbitrage en milieu de procédure judiciaire, après avis donnée en séance pléniaire de la cour de cassation est d'un point de vue juridique (ou du moins éthique) plus que contestable. Ce mode de règlement, très courant en matière de commerce international, intervient ici au milieu d'une affaire par trop politique et qui concerne au premier chef le contribuable.
La choix du CDR tombera à la mi juillet : l'arbitrage est accepté, et M. Tapie sera dédommagé de 295 millions d'euros (plus manque à gagner sur intérêts) et de 50 millions de préjudice moral. Somme suffisante pour rembourser ses dettes et sauver son hôtel particulier parisien.

Comment s'est prise la décision ? C'est un établissement appelé EPFR (Etablissement public de financement et de restructuration), juridiquement compétent pour prendre les décisions au nom du CDR, qui a validé le choix de l'arbitrage. Son conseil d'administration est composé de 5 membres, dont 3 représentants de l'Etat, un député et un sénateur. Surprise, le canard enchaîné daté du jour (23/07/08) révèle que les trois premiers se sont conformés aux instructions directes de leur ministre, Mme Lagarde, pour adopter la résolution d'arbitrage.
Auparavant, les 18 septembre et 2 octobre 2007, les 5 administrateurs du CDR avaient exprimé leur absence de réticence au principe d'arbitrage, par 3 voix (dont celles des 2 représentants de l'Etat) contre 2.

On appréciera d'autant l'explication de M. Richard, directeur de cabinet culloté s'il en est, gratifiè pour le coup de notre indignation et de notre mépris dans leur totalité, à aucune exception près.

dimanche 20 juillet 2008

Over


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mercredi 9 juillet 2008

Les cancres au pouvoir

La politique se résume souvent à l'arbitrage entre intérêt particulier et intérêt général. Entendons nous bien : au nom de cet intérêt général, un parti au pouvoir tend bien moins à modérer les mesures en faveur de ses intérêts propres qu'à nuire aux intérêts du parti adverse. En d'autres termes j'agis dans mon intérêt au nom de mon intérêt et contre l'intérêt adverse au nom de l'intérêt général.
Ainsi en France, pays historiquement gouverné par la droite, avait-on l'habitude de s'attendre à chaque dégradation des conditions sociales, à une sorte de maigre contre-partie de l'ordre du bien général : politique de rigueur motivée par une amélioration des comptes publics, destruction du code du travail au nom d'une amélioration de la situation économique du pays, etc.
Depuis est arrivée au pouvoir une génération entière de demi-cancres, persuadés par quelque mystique égotique que les multiples preuves de leur inaptitude (résultats scolaires médiocres, incapacités d'expression sidérantes, argumentations inexistantes, etc.) ne sont que les signes de leur supérieure différence et renvoient au talent qu'ils ont dû déployer pour s'en sortir.
Tout cela ferait rire s'il n'était ici question d'un véritable problème de démocratie. Si les jeu des partis et de l'accession au pouvoir donne la main au meilleur opportuniste mégalomane venu, ne serait-il pas grand temps d'en changer les règles ?




vendredi 27 juin 2008

La pomme de terre et la chataîgne

Dans son édition d'aujourd'hui, Le Monde présente un remarquable article sur la désignation, en ce vendredi 27 juin, des délégués qui participeront au prochaine renouvellement sénatorial. Le constat est sans appel : 49,5% de ces grands électeurs représentent les communes de moins de 3500 habitants, soit 34% de la population française. Un électorat qui se trouve être systématiquement à forte dominante conservatrice, ce qui bloque en l'état toute possibilité d'alternance dans notre chambre haute.

Les discussions actuelles autour du projet de réforme constitutionnelle sur la réforme des institutions a donné lieu aux indignations légitimes de l'opposition. Ce "défi à la démocratie", pour reprendre les termes de Robert Badinter, n'est pourtant pas près de trouver une issue digne. La droite sénatoriale bloque toute évolution du mode de scrutin, au motif que ce procédé trouverait sa raison dans l'ancrage historique du sénat dans le territoire. Argumentation démentie par les chiffres, puisqu'outre les larges biais de représentativité présentés plus haut, un tiers des sénateurs n'exercent aucun mandat local, et que le sénat comporte 27% de maires, contre 43% pour l'assemblée nationale.

Une fois de plus, la volonté de neutralité du Monde aboutit à un article diplomate, ou chacun devra rechercher - et trouvera - les raisons de s'indigner. Mais quand les principes élémentaires de la démocratie sont baffoués de manière si désinvolte, transformant une institution politique française en sanatorium de luxe pour conservateurs déclinants, avides du prestige d'une position - "appelez-moi M. le sénateur" - qu'ils contribuent chaque jour à dicréditer, il est bon que des voix s'élèvent pour exiger la fin de cette opportuniste mascarade et le rétablissement du principe démocratique.


mardi 24 juin 2008

Ne pas perdre sa vie à la gagner

Dans son édition du jour, le Monde s'interroge sur la désaffection française à l'égard des revendications syndicales, et ce en dépit de la morosité générale qu'attestent chaque jour un peu plus les sondages d'opinion. La thèse est alors émise d'une forme d'individualisation de la revendication, en partie responsable de l'émiettement des protestations.

Je trouve pour ma part assez étonnant qu'une explication beaucoup plus convaincante à mes yeux ne soit pas donnée. Les mouvements sociaux des années 60 à 90 ont été marqués par le ressenti d'une forme d'usurpation sociale fondamentalement nationale, d'une intériorisation de lutte des classes au sein de la société française, entre une politique de droite conservatrice aux mesures ouvertement discriminatoires et revendiquées comme telles (la droite décomplexée ne date pas d'hier), et un mouvement de gauche prônant pour le coup une politique de redistribution tout à fait crédible. En ces temps là, les marges de manœuvre existaient et ne semblaient résulter que d'un arbitrage national.

Le phénomène de mondialisation a rendu la revendication sociale beaucoup plus ardue. Comment se plaindre du temps de travail ou de salaires faibles alors que les images de travailleurs d'Europe de l'est, pour ne pas parler des indiens et chinois, nous sont présentées à longueur de temps agrémentées de leur commentaire subliminal : "souvenez vous que là-bas, des gens travaillent plus que vous pour moins cher". La mondialisation ne concerne pas seulement l'économie et le travail, la conscience sociale est elle aussi devenue planétaire. Au point que les français ne se sentent tout simplement plus légitimes dans leurs revendication, quand-bien même le seraient-elles (on songe pour le coup à l'augmentation des salaires des grands patrons ou président(s) français, qui ne semblent pas se formaliser des conditions de vie des pays émergents).

En quelques années, nous sommes ainsi passés d'un société d'espoir à une mondialisation de la résignation, ou le manifestant se sent moins floué par la droite que par le monde, acculé à une vie laborieuse, dépourvue de toute autre perspective que de travailler un peu plus pour gagner un peu plus. La mécanique du rêve est cassée, il est temps de songer à la remplacer.




lundi 23 juin 2008

La paresse des trentenaires

A l'occasion de la lecture de Bonjour Tristesse, je regardais une interview accordée en 1965 à la télévision belge par Françoise Sagan, alors âgée de 30 ans, dans laquelle elle cite Sartre : "être libre, ce n'est pas pouvoir ce que l'on veut, c'est vouloir ce que l'on peut".
Je dois m'estimer heureux d'une liberté intermédiaire, car je sais assez facilement ce que je ne veux pas, et me préoccupe assez peu de savoir comment l'obtenir.

dimanche 22 juin 2008

Bansky - People die everyday


people di everyday bansky
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Bonjour tristesse, Françoise Sagan

Passé l'éblouissement devant cette jeunesse virtuose, enfermée par son talent dans une triste solitude qui se rêvera légère, on est reconnaissant à l'auteur de ces pages détachées, élégantes et faussement paresseuses.

Par ailleurs, nous saurons gré de cette leçon que l'emportement n'est pas la meilleure réponse aux pires bêtises; sachons plutôt, en les ignorant, leur accorder l'importance qu'elles méritent.

mardi 17 juin 2008

Stratèges de bureau

Je ne crois pas avoir un jour atteint un tel écœurement à l'égard de mon travail. Peut être aussi que le temps aidant, ce qui apparaissait comme un halo de désagréments temporaires et qui - pensai-je alors- finirait bien par laisser la place à des jours meilleurs n'a fait que s'amplifier. L'espoir à cédé la place à cette amère résignation oh combien suffocante.

Il faut bien reconnaitre que les exemples ne manquent pas pour discréditer cet étrange amas de bureaux, postes de travail, salles de réunion et collègues englués sur le post-it géant de l'entreprise. Managers péremptoires, incompétents mais toujours de bonne foi, gestion invisible des carrières et compétences, prime à l'obséquiosité et à la brosse à reluire, et que dire encore des petites manoeuvres des bonaparte de machine à café, bas bedonnants à bouc insignifiants et comploteurs qu'il faudra se résoudre à voir promus chef. Rira bien qui rira le dernier.



vendredi 13 juin 2008

Apprendre à ignorer

"Si Tubbie est si souvent déçu, c'est peut-être parce qu'il attend trop des autres. Plus talentueux que son oncle, plus exigent avec lui-même, il lui faudra pourtant attendre le temps où, pleinement conscient de ce regard étranger, de son rôle, de sa mécanique et de ses effets, il trouvera en lui (seul) la force de l'ignorer."
Les neuveux de l'empereur, P. Caulfield (fc)


dimanche 8 juin 2008

Un jeu qui n'en est pas un

On a tous besoin de croire en quelque-chose. Certes, ce n'est pas pour autant que l'on parvient à ses fins, nuanceront les sceptiques. Par ailleurs, quand bien même y arriverait-on, en quoi la volonté et l'acharnement tiendraient-ils lieu de légitimité ?

Imaginons un instant qu'un bon à rien lambda, épris soudainement de mégalomanie foudroyante, se démène corps et bien dans une lutte pour son prétendu destin avec une ténacité telle qu'il finisse par triompher. En quoi l'effort - réel - consenti dans la conquête justifie-t-il la position obtenue ?

Sur ce point, il est une différence fondamentale et souvent incomprise entre le monde du sport et le monde du travail. Dans le premier, le statut brigué (numéro un mondial par exemple) est celui de meilleur dans l'activité, qui consiste justement en l'obtention du statut. Dans le second, le statut brigué (poste supérieur dans la hiérarchie) est de façon implicite celui de meilleur dans l'activité, mais celle-ci ne consiste absolument pas en l'obtention du statut. En d'autres termes, le jeu est biaisé. Je dois faire un bon travail (ie rédiger des rapports précis et complets, etc.) ou travailler dans le sens de l'obtention du statut (recours à des stratégies de communication par exemple), mais les deux objectifs sont disjoints, quand ils ne sont pas contradictoires.

Il ne faut donc pas s'étonner des injustices et frustrations de l'univers travail. Car sans une certaine subtilité de la part des dirigeants, la réussite ne récompense bien souvent que les meilleurs dans l'accession à la réussite, non dans l'activité.

vendredi 6 juin 2008

Shut up and let me go !

Des histoires, une vie

Qu'y a-t-il de si réjouissant à lire des romans, se plonger dans un film, assister à une pièce de théâtre ou lire encore une bande dessinée ? A première vue, bien qu'il soit toujours possible de chercher des explications rétrospectives, rien ne remplace le ressenti présent, et impossible de le circonscrire à un raisonnement sur les implications et motivations du lecteur ou spectateur.

La vérité est là : devant un film, un livre, on s'amuse, on s'ennuie, on prend son pied, on s'emballe, on réfléchit, on divague, on se retrouve, on est déçu ou emballé, et je ne sais quoi encore. Bref, on fait l'expérience de la vie. Mais de quelle vie au juste ? de ces histoires, tout simplement : de cette fille rebelle aux cheveux noirs, de ces trois hommes en colère, de ces jeunes entre romances et responsabilités, etc. Ces destins imaginaires, nous y entrons par l'entremise de l'auteur. A peine franchi le seuil du récit, nous voilà offert quelques jugements et points de vue, une chanson en tête, on nous présente à des gens sympathiques. "Enchanté, vous êtes ? Le lecteur, très bien. Et vous ? Ah un personnage, très heureux de faire votre connaissance, vous prendrez bien un verre." Et nous voilà amis, sur la route avec Dean Moriarty, en fugue inspirée avec Holden Caulfied, dans une fusée lunaire avec ce cher professeur Tournesol, au bloc avec ces filles à tomber (je te les présenterai) !

Voilà ce qui fait un bon auteur. Le style en déguisement, plus encore qu'une belle histoire, il nous offre une belle vie.


jeudi 5 juin 2008

Conte de printemps

Une nuit de printemps, étoiles et demi-lune,
parfums d'herbe coupée, de sapins et de bois,
une fenêtre éclairée, veilleuse aux rideaux mat,
et les stridulations de grillons insomniaques.

mercredi 4 juin 2008

La civilisation (prolongation)

Comment vivre ? N'est-ce pas la question qui hante chacun de nous par intermittence, dès les premiers balbutiements de notre conscience ? Demander, comme l'a fait William James, si la vie vaut la peine d'être vécue, c'est s'exposer à une réponse sous forme de boutade : "Tout dépend de ce qu"on boit" Les enfants de l'empereur, Claire Messud, Gallimard 2008

Autant connaissons nous bien des buveurs, autant cette question éternelle reste sans réponse. Toujours est-il que cette réflexion du personnage de Murray Twaithe semble pouvoir être prolongée. En effet, si la vie par instants se montre facétieuse, découragente parfois, il est par bonheur des personnes qui nous indiquent la direction à suivre. Non par explication ou didactisme, mais par leur attitude, leur exemplarité. Une posture, un sentiment, un comportement, une implication, de ces petites chose que l'on admire et qui nous transforment.



The Ting Tings - Great DJ

mardi 3 juin 2008

La civilisation

"Le problème, c'est que je suis attiré par les romans ; enfin, ça ressemble plutôt à une sorte d'attraction/répulsion.
- Tu as tout à fait raison. Il faut absolument en lire, répondit son oncle. C'est ça, être civilisé. Romans, histoire, philosophie, science - sans discrimination. On s'expose le plus possible, on assimile, on en oublie les trois quarts, mais on en sort transformé.
"
Ce dialogue entre le personnage de Frederick Tubb et son oncle, glissé discrètement par Claire Messud au milieu de son dernier roman Les enfants de l'empereur, touche à quelque-chose de fondamental et précieux. Que serait-on sans nos lectures, tant elles nous apprennent et nous transforment, telles mille rencontres passionnées que la vie seule ne saurait nous offrir ?



samedi 24 mai 2008

Une dernière danse - un conte de noël d'Arnaud Desplechin

Une disparition. Notre dernière rencontre, une soirée joyeuse et familiale, de buffets d'insouciances alcoolisées, robes de soirées chatoyantes, nuits éternelles de souvenirs partagés. Je me souviens très bien l'avoir vu danser tout au long de la soirée, oubliant pour un soir les années et les jours.
Je ne savais pas alors que plus que les années perdues, c'était les quelques mois à venir qu'il voulait oublier une dernière fois, heureux et en famille, pour un au revoir digne et brave dont je ne perçus alors ni l'existence ni la teneur dramatique.

Pourquoi évoquer alors le dernier film d'Arnaud Desplechin, Un conte de noël ? Et bien parce que sous ses abords ludiques, sa cruauté cocasse et le festival de personnages et d'acteurs qu'il propose, sous le luxe virtuose d'une mise en scène vive et déchaînée, je ne peux m'empêcher d'y voir maintenant un film sur la mort et l'élégance du condamné. Le cinéma est parfois bien plus cruel qu'il n'y parait.

samedi 10 mai 2008

Lignes de nuit

Geste souple et félin,
Glissement feutré du macadam,
Halos vert, rouge, orange, bleu, violet,
Des feux et enseignes de notre ville,
Grisés de vent, de vitesse et de nuit,
Qu'en ligne nous traversons,
Rondeurs glissantes et éphémères.

vendredi 25 avril 2008

lundi 21 avril 2008

mercredi 16 avril 2008

Un monde sans rois

S'il fallait un exemple des ces lacunes occidentales si contemporaines, cette incapacité à faire naitre des hommes ou femmes d'exceptions en est des plus flagrants. Nous conservons tous du siècle précédents la mémoire d'illustres écrivains, artistes, politiques ou savants dont la simple présence assurait à l'humanité ses honneurs et sa fierté.

Quelques années plus tard, le modèle de l'Homme responsable a fait long feu. Place à l'entrepreneur, à la performance (de quoi, peu importe) et aux réformes (de quoi et dans quel sens, peu importe à nouveau). La faillite du modèle intellectuel fait peine à voir quand on songe à ce qui fit jadis la gloire des civilisation antiques, égyptiennes, babyloniennes ou grecques, à ces Lumières dont on a bien vite fait d'assombrir l'héritage.

En dépit de l'explosion médiatique et de la démocratisation réelle des accès au savoir et à la connaissance, tout se passe comme si la primauté accordé au principe de liberté individuelle, accompagnée d'une valorisation à outrance de l'argent et des biens, n'avait pour autre conséquence que la création de générations d'enfants nombrilistes, gâtés et assistés.

La classe politique française n'est pas la seule à souffrir de cette déchéance. Nos média font peine à voir, les espaces d'exposition offrent une sur-représentation ahurissante d'individus au mieux quelconques, dont la seule distinction repose sur la célébrité ou l'argent, devenues valeurs en soi. Lorsqu' une star de football s'exprime, le respect accordé par ses interlocuteurs semble dû bien plus à son salaire annuel de 16 millions d'euros qu'à ses aptitudes à courir ballon aux pieds. Voilà le véritable modèle contemporain, envié moins pour ce que représente l'excellence que pour ce qu'elle rapporte, fut-ce symboliquement.

Dans ces conditions, inutile de s'étonner de l'accession aux pouvoirs de cancres parvenus. Ils ne sont rien, si ce n'est les fruits pourris de leur époque, et marqueront l'histoire de leur bêtise et de leur vanité.




dimanche 13 avril 2008

L'antichambre, Jean-Claude Brisville

Commençons par dire qu'en ces sombres temps d'inculture décomplexée, on entre au théâtre comme en résistance. Aussi ne pouvons-nous être que redevable au théâtre Hebertot de proposer cette Antichambre de Jean-Claude Brisville, antidote des plus rares contre une époque somnolente.

Cette pièce au texte soigné et au discours précieux aborde les tourments universels du déclin et de la vieillesse. Mme de Deffand (Danièle Lebrun), femme du Président Hénault (Roger Dumas), tient en ce milieu de XVIII siècle le salon le plus fréquenté de ce que la France compte de gens de lettres et de savoir. L'arrivée de la jeune Julie de Lespinas (Sarah Biasini) bousculera ces prestiges établis, reléguant sa bienfaitrice dans les abîmes de l'oubli et du ressentiment.

Le trio d'acteurs impressionne. On quitte la représentation empli d'admiration pour Danièle Lebrun, d'enthousiasme devant la sage bonhommie de Roger Dumas et charmé comme il se doit par Sarah Biasini, irrésistible et touchante dans cette pièce on ne peut plus recommandable.



mardi 8 avril 2008

vendredi 4 avril 2008

L'heure d'été, Olivier Assayas


S'il fallait le décrire en quelques mots, le dernier film d'Olivier Assayas, L'heure d'été, pourrait être abordé comme une étude à la fois plus et moins légère qu'il n'y parait sur la transmission et l'héritage.

Plus légère, car bien que centré sur une disparition, le récit se tient à distance mesurée du deuil et de ses douleurs. Là n'est pas le sujet du film, et bien que la cohérence narrative impose que le sujet soit effleuré, Olivier Assayas s'en tient au nécessaire.

Le spectateur se trouve donc en curieuse situation d'être confronté à la disparition d'un personnage central du récit sans pour autant en ressentir le bouleversement que ce genre de situation amène habituellement. Le choix porté sur une famille de grands bourgeois, hantée par l'héritage artistique de ce grand-oncle peintre, fierté et fardeau de ces quadra-cadres expatriés, ce choix - disais-je - n'est pas anodin. La mise en abime est légère, faites de petites touches colorées comme ce vase au destin improbable, et petit à petit l'auteur déroule les trames entremêlées du temps, de ce qu'il en reste et de ce qu'il en restera. Que l'éternité de l'art semble parfois bien vaine, mais quoi de mieux que l'art pour nous en persuader ?


jeudi 3 avril 2008

Architectural Waves


Waves III
Originally uploaded by xinapray

Grönköpings veckorblad

Det är fyrtiotredje lektionen i dag, och nu kan yag förstå svenska lite men talar inte än. Hoppas det blir lättre (does this exist ?) gärna !

The author of theses few lines would like to apology for this approximate attempt to write almost swedish sentences. Unfortunately, this will be done again since last lesson has number 99.

PS: I'll have to buy these Millenium books in swedish; just read them in french, but I'm already missing Lisbeth and her punchy way of solving problems. Maybe they'll be kind of readable after lesson 99 ? We'll see in a few weeks ...




mercredi 26 mars 2008

Feelin' old


Len
Originally uploaded by joe holmes

lundi 24 mars 2008

The Breeders, Mountain Battle

Il y a quelques années maintenant, un type sympa de l'autre classe de 2nde anglais-espagnol, dont j'avais fait la connaissance en parlant musique - "ce que j'écoute ? Pff pas vraiment ce que les gens on l'habitude d'écouter, je te montrerai" m'avait-il dit alors - me prêtait ses cinq ou six cassettes fétiches. Parmi elles, une perle qui allait user la mécanique de mon radio-cassette pendant de longues heures d'écoutes répétées.

Les Breeders sortent dans une semaine leur nouvel album, Mountain Battle, quinze ans après les parties de baby-foot sur les tubes de Last Splash. Les temps ont changé, les amis se sont dispersés et les rêves de vie "cool" et "authentique" ont cédé la place à un grand n'importe quoi, mélange de vie de bureau surréalistement vaine, de moments de solitude et de rencontres culturelles insensées. No Aloha this days, nous verrons bien ce qu'il adviendra.


lundi 17 mars 2008

Je hais mon métier (ou le renversement animalier de la bêtise) !

Je me souviens encore de l'an 2000 et de cette rencontre tant attendue avec l"Entreprise" ! En ces temps là, on affrontait l'ennemi vaillamment, quelques ouvrages de sociologie en poche, Proust, Hugo, Stendhal à portée de main, autant de totems et grigris contre la froide inanité de ces aveugles mondes.

Au fil des ans, l'habitude se serait-elle installée ? Quelque conversation de machine à café sur le dernier Jeunet par ci, madame Nothomb par là, et le cours de la bourse, et le temps qu'il fera et la télévision ... Chronique d'un vide autogène, stupéfiante non-culture partagée plus de huit heures par jour, subie pour certains (ouf!) et pour quelques autres si peu consciente d'elle-même comme peut l'être parfois la pleine et superbe sottise du cadre supérieur.

Car voilà, le temps passe et ne revient pas. Des espoirs d'une vie tissée de lectures et de savoirs, faut-il à ces tristes rites se résigner ? De jeunes sots font leur apparition, ils ont tout vu, surtout Taxi 4 - "le meilleur", mais ils sont chez eux, peut-on leur reprocher ? La bourse ? l'action est à 37 euros aujourd'hui. Et voilà que ces petits bonshommes et femmes à qui jadis vous accordiez votre mansuétude, heureux et fier d'être et de leur pardonner, voilà ces fourmis grises qui vous piquent et vous démangent et vous mordent, toujours plus nombreuses, et vous dévorent et vous n'être plus rien, ne serait-ce le squelette de vous même, un livre à la main, votre vie derrière vous.


dimanche 2 mars 2008

Vampire Weekend


Une nouvelle semaine qui commence en souriant, grâce aux Vampire Weekend et leur musique des beaux jours. A découvrir en prenant l'air sur Youtube, où -parait-il - peut-on croiser un A-Punk !

lundi 25 février 2008

Sur la route, Jack Kerouac

"Savoure-les, Sal, en train de discuter de nous et de savourer. Oh, bonté divine, quel monde !"

C'est une histoire de timbrés en guenilles, de clochards célestes, de virées sauvages impromptues, d'Est en Ouest, d'Ouest en Est. Une histoire d'amitiés, de vieux potes éternels et fous et sublimes, et de filles que l'on quitte pour mieux les retrouver. De cylindrées rugissantes sur des routes poussiéreuses, de wagons cahotant sous les nuits étoilées. De discours, de bonheur et de rêve, de rien et de liberté. Car voyez-vous, personne ne sait ce qui va arriver à qui que ce soit, n'étaient les mornes misères de l'âge qu'on prend. Alors je pense à Dean Moriarty...



samedi 23 février 2008

Läser svenska är inte lätt

This was probably one of the weirdest idea I got this year, but learning basic swedish finally tends to be somehow funny and pleasant. I must say that 2008 started so strangely for me, with acrobatic ups and downs, from mourning to snowfun then fuckin' reaper stuff again (though farther), then was this eye surgery thing - also competing in the 2008 stupid ideas contest - that finally turned out to be fantastic from now on. This year already gave me such pain and joy for monthes that the remaining time till 09 is just extra-time.

Well, I reached lesson 8 today, a rather difficult one - for a beginner - with a lot of new words, strange grammatical structures and a prunounciation you have to hear minimum 50 times before getting it. I just tried to see if I had improved by listening to the swedish national radio and trying to find if I could understand what Karin put on her blog. Both tries were interesting in the way they revealed how nothing you can be on this huge blue planet of ours. From the radio, I just got some "Jag", "Fyra", and a few english words lost in a talking ocean of un-understandable words. From Karin's blog, I could at least read words (better than nothing) though understanding only a few of them. With the little help from my friend, an online swedish to english dictionnary, I understood that she was confronted to such misery, oppression and bravery that it put my in the kind of mood you can guess. Svenska är inte lätt, definitely.

Anyway, I just go on this way, spending some of this extra-time I earned with that strange but pleasant north language, just curious and eager to see how much time it takes to learn a (4th) language starting from scratch. I like the idea of learning new languages as life goes on, you never lose your time doing so and I'm already thinking of italian (supposed to be easy for french people) and then an Asian langage, with ideograms if possible.

Well, let's go back to work now, repeat after me : Tack for dina goda råd ...

PS : A quand un raccourci clavier pour le å sur les claviers français ???



dimanche 17 février 2008

Be Brave


Be Brave
Originally uploaded by Hryckowian
A nice Pittsburgh tag to start the new week

jeudi 14 février 2008

Candy music

(Just) Acceptable in the 80's (, because there was so much better then)

Il était une époque où la musique indé et ses inrockuptibles scribes n'inspiraient guère plus qu'une morgue amusé de la part de bon nombre des petits musiciens de province, trop fiers de nos étions de nos lectures de notes pour laisser passer ces poseurs urbains en manque de solfège. Nous rêvions alors en compagnie des figures légendaires des années 60, 70 et 80 et le monde nous appartenait.

Quelques années plus tard, la musique n'existe plus vraiment. Bling bling par ci, Star Ac par là, les Beatles, Stones, Hendrix, Dylan, Led Zep se sont peu à peu estompés dans un tendre passé. Que reste-t-il alors, si ce n'est cette candy music toujours si peu rockuptible, superficielle, à l'inculture musicale revendiquée comme une fraise tagada emmerde le pot-au-feu ? On plonge alors la main dans le sac de bonbons, se gave de Calvin Harris ou Hot Chip, de nouveaux tubes éphémères chaque semaine toujours aussi "indé", audibles, jetables.