lundi 29 mars 2010

29 mars 2010

Renaître. Les journaux de Susan Sontag, édités tout récemment chez Christian Bourgeois, ont ensoleillé un week-end maussade.

"Le langage n'est pas seulement un instrument mais une fin en soi" consigne-t-elle le 19 décembre 1948, à l'âge de 15 ans. Mon job n'est certainement pas une fin en soi, tâchons d'en faire un instrument.

Si je reviens sur cette journée de travail, elle débute avec cette idée d'y perdre le moins possible - de temps, d'estime de soi - et s'achève sur un sentiment désagréable de vide et de dépossession. Comment peut-on aimer ce métier ? Ou plutôt, comment y consacrer du temps et de l'intention ?

"Je suis infini ... Je ne dois jamais l'oublier" SS, 13 juin 1949

samedi 27 février 2010

Seul dans sa barque à quelques brassées du rivage, le vieil homme regardait ses pieds. La forêt de chênes qui bordait l'étang semblait elle-aussi abattue par cette chaleur d'août; à peine entendait-on ça et là le bruissement de quelques feuillages où se réfugiaient oiseaux et écureuils. La pêche n'était pas bonne, mais c'était une belle journée, pensa-t-il. Il contempla le soleil en se protégeant de la main. Il était heureux.

samedi 27 juin 2009

Le politique au temps des politiques

L'émission radiophonique Le rendez-vous des politiques (Dominique Rousset, tous les samedi 11h sur France Culture) présente, outre son objet de nous faire découvrir le métier de politique à travers un invité hebdomadaire, un intérêt des plus singuliers. En effet, placé en position centrale d'une émission dont le caractère culturel ne peut échapper, ce dernier se trouve confronté à une situation peu habituelle où planent menaces et espoirs d'un jugement du monde culturel.

Il serait bien naïf de croire que ces hommes et femmes, spécialistes de l'intervention publique, ne saisissent pas l'enjeu d'une telle émission et ne cherchent pas à y jouer un rôle conforme à l'image qu'ils souhaitent donner. A ce titre, les passages récents de plusieurs invités témoignent de comportements-types de natures très différentes.

Certes, la plupart tentent de projeter l'image d'une personne de culture dont chaque acte politique témoigne d'une profondeur qu'il faut croire socratique. Grand manipulateur de foules, le politicien s'avère à ce jeu peu convaincant, tel M. Ba qui ne sait pas parler mais aurait beaucoup lu.

D'autres, moins par conscience du danger de l'imposture que par une certaine ignorance de conviction, se comportent comme s'ils participaient à de ces débats scolastiques et véhéments qui égrenent leurs emplois du temps, tel M. Be qui s'est alors cru en campagne sur on ne sait quel plateau de télévision.

Enfin, passées ces déceptions - non quant aux prestations des invités mais vis-à-vis d'une émission remarquable gâchée par quelques insuffisance politique, il arrive d'assister à des moments forts, où la justesse d'une conviction, la singularité d'un parcours et les questions souvent pertinentes des chroniqueurs éclairent d'un jour nouveau un monde politique le plus souvent en proie au plus glacé des discrédits.

lundi 22 juin 2009

Le verdict du plomb

C'est baigné du souvenir plaisant de la défense Lincoln de Michael Connely, roman qui m'occupa un temps durant l'été 2007 et m'enthousiasma bien plus qu'espéré, que j'entrepris il y a quelques semaines la lecture de son inattendue suite, le verdict de plomb, parue très récemment.

Avant d'aborder le récit, une petite explication s'impose. Si la défense Lincoln m'avait tant plu, c'est parce qu'en dépit de sa remarquable absence d'écriture, ce policier à la conception adroite m'avait fait redécouvrir une joie longtemps oubliée, la jubilation de la lecture. Jubilation à être saisi par une intrigue, à dévorer les pages, à ne plus voir le temps passer et à ne seulement regretter que cette histoire ait une fin. Voilà ce que représentait La défense Lincoln. Non le roman d'un style, d'une écriture, d'un talent ou d'une somme d'idées, mais un roman pur et imparfait pleinement dévoué à la cause du plaisir de lire.

Peut être faut-il voir dans ces souvenirs heureux une raison à ma déception. Après 250 pages, le verdict du plomb pèse au dessus de ce livre au titre prémonitoire. L'intrigue peine à démarrer, les personnages manquent de relief, le narrateur se révèle des plus antipatiques et l'écriture jusque là transparente de M. Connelly se met à devenir trouble. Début du chapitre 30 : "Lorsqu'enfin je fus seul dans le bureau, j'enclenchais le processus comme je le fais toujours : avec des feuilles vierges et des crayons pointus".
hez Harlan Coben, on eu put y voir quelque ironie cohennienne (Adrien Deume n'est pas loin). M. Connelly, pour sa part, affecte tout au long de son roman le sérieux consternant de son personnage à qui on ne la fait pas mais dont la condescendance paternaliste (à l'encontre d'un personnage ancien toxico) ou la violence toute libérale ("j'avais décidé de supprimer l'obstacle plutôt que de devoir constamment en faire le tour", affirme-t-il à propos de sa décision de renvoyer une secrétaire trop bouleversée par la mort de son patron pour travailler sans éclater régulièrement en sanglots) dont il fait preuve tout au long du livre finissent par anéantir tout espoir d'une lecture légère et agréable.

dimanche 21 juin 2009

Sylviane Agacinsky, Ruwen Ogien et Nadine Morano - cette dernière de façon plus indirecte puisque simplement citée - ont présenté leurs argumentations respectives sur la gestation pour autrui samedi matin, lors de l'émission hebdomadaire radiophonique de M. Finkielkraut.

Connu pour son libéralisme en matière de moeurs (voir le très instructif La panique morale, en particulier le passage sur la journée de solidarité), Ruwen Ogien prône la non-intervention de l'Etat dans un domaine qui relève du libre choix individuel et ne saurait être encadré sans une sérieuse légitimité à le faire.

Mme Agacinsky soutient la position inverse, au nom d'une éthique humaine qui consisterait justement à encadrer ce qui de l'ordre du possible, au nom du respect même de ce qu'est l'humanité.

Enfin, accordons à la position de Mme Morano la place qu'elle mérite. Voilà.

S'il ne fait pas de doute que l'individualisme de M Ogien - symbolisé par son principe d'éthique minimale - conduit à une position radicale mais de construction presque esthétique, il semble pourtant possible de lui opposer un principe de réalité qui conduit souvent à ce que le droit théorique et le droit pratique ne se recoupent pas. Car si semble acquis que le droit d'une personne à disposer d'elle même, la réalité d'une misère sociale conduisant des personnes à pratiquer la GPA à des fins de subsistance s'impose également.

samedi 20 juin 2009

La défaite du spectateur

A bien y penser, la défaite du sportif présente bien quelques consolations, sinon des exutoires : l'engagement rageur en toute fin d'un match que l'on sait perdu; le souvenir des efforts consentis, certes non récompensés mais qui inscrivent la défaite dans une démarche active, construite et formatrice.

En cela, elle se distingue de la défaite du spectateur, d'autant plus cruelle que ce dernier, pas plus qu'il n'aurait mérité une victoire de l'équipe qu'il soutient, ne mérite en rien la soudaineté triste et inattendue d'une défaite pour laquelle il n'est que bien peu responsable.

La fatalité du score, accentuée par une dramaturgie de renversement émotionnel - un coup de sifflet marque le passage de l'espoir à la désillusion - s'accompagne par ailleurs d'un double sentiment d'impuissance devant l'évènement et d'une injustice sourde. En effet, quand bien même l'équipe supportée se serait montrée moins digne de la victoire que son adversaire, ce qui n'est pas garant de victoire, le supporteur, lui, intervient autant dans la partie qu'un joueur de dés doté de bras pour applaudir et de cordes vocales pour chanter.

Quand on sait par ailleurs le rôle identitaire qu'il projette dans son action supportrice, confirmée ou non par des attaches régionales, le spectateur est bien autant à pleindre que l'équipe qu'il supporte, assumant une défaite certes plus distance mais tout aussi profonde.

vendredi 19 juin 2009

Comment traiter les incommodations

Il se trouve que mon collègue de bureau m'inspire un dégoût certain et partagé que le temps qui passe peine à atténuer. Il est possible de recourir à un nombre impressionnant de qualificatifs pour désigner l'objet de ces indignations : obséquieux, mielleux, péremptoire, maniéré, de mauvais goût, peu cultivé mais omniscient de revendication plus que de fait, appliqué et sot comme un âne discipliné, encore que nul animal n'ai jamais mérité le déshonneur d'une pareille comparaison.

L'étude de la déformation - et réduction - des rapports humains dans le cadre de l'entreprise a suscité de nombreux textes, mais peut-être pas assez encore. Ainsi, le sot appliqué, s'il fait l'objet d'un rejet mérité en société, se trouve à ses aises dans une structure hiérarchisée où tout supérieur n'apprécie rien moins qu'un exécutant docile et servile et se fait rapidement l'économie de ses préoccuper des motivations sous-jacentes tant le confort d'un laquais le satisfait.

En un mot comme en cent, notre sot appliqué fait l'objet d'attentions supérieures et suscite ainsi le dégoût de bien des collègues en fureur contenue.

Voici donc un éventail de solutions destinées à mettre un terme à cette nuisance commune :
- devenir plus obséquieux encore, de façon à provoquer son dégoût et plus encore son départ;
- pirater son téléphone portable pour y installer un lobotomiseur miniature (efficacité non garantie);
- lui suggérer que le PDG adore les jeunes téméraires qui lui envoient des mails d'insulte sur son blackberry;
- lui faire avaler l'une de ses deux mille boîtes de cirage, qui doivent bien se trouver quelque-part;
- lui faire croire que la direction envisage de changer l'organisation de l'entreprise et supprimer tous les postes de chef pour une structure parfaitement plane. Démission assurée;
- l'ignorer. Comme vous n'êtes pas chef et que par conséquent il vous ignore déjà depuis longtemps, c'est bien la moindre des choses !