mardi 30 septembre 2008

Les vestiges de la programmation objet

Peut-être que dans quelques siècles, tel aventurier d'un autre temps explorera quelque ruine abandonnée de notre civilisation, tombeau sombre et poussiéreux, bravant les araignées, les insectes, les rats et les fantômes, pour y trouver les restes d'un langage objet oublié gravé sur une stèle usb, au milieu des vestiges d'un open space antique.

lundi 29 septembre 2008

L'art du rétablissement

Qui n'a jamais connu ces longs moments de fatigue embrumée, où les choses se présentent si mal, en si peu de perspectives que l'on en vient à se demander comment faire en sorte que de telles journées aboutissent à une quelconque satisfaction ? Aujourd'hui aurais-je au moins eu le plaisir de trouver quelques solutions à ces délabrements passagers. Sport, littérature, patience, calme et application, autant de clés à cet art précieux du rétablissement qui aura sauvé ce jour de la fatigue et l'ennui.

dimanche 28 septembre 2008

Entre les murs, Laurent Cantet

Voilà que sort enfin le film de Laurent Cantet, inspiré du roman homonyme de François Bégaudeau, et qui succède à 4 mois, 3 semaines, 2 jours au palmarès du festival de Cannes. Une récompense décernée à l'unanimité du jury, accompagnée de critiques élogieuses, ce qui laissait augurer un moment de cinéma supérieur à ce que l'on pouvait s'attendre, à savoir un film de bonne tenue sur les difficultés de l'enseignement en milieu défavorisé.

Une fois le film terminé, on est toujours en attente de cette surprise que tant d'éloges laissaient entrevoir et que le film n'apporte finalement pas. Approche neutre, personnages bienveillants et sans profondeur, thèmes connus, voilà un film de bon élève dont on attendait mieux, et qui ne surprendra que les personnes suffisamment coupées de la réalité pour y trouver quelque forme d'exotisme, qu'il soit compassionnel (de gauche) ou dédaigneux (de droite). Un film qui malheureusement ne convaincra que les convaincus à la mémoire courte.

vendredi 26 septembre 2008

La chambre haute touche le fond

Il faut véritablement entendre M. Lambert motiver sa candidature à la présidence du Sénat par le seul principe démocratique pour mesurer le degré de bêtise à laquelle notre politique française nous accoutume un peu plus chaque jour. Déjà, le seul fait que M. Raffarin avait pu un instant considérer comme légitime le fait de se présenter à ce poste avait provoqué l'hilarité générale il y a quelques semaines. Voilà maintenant que le pire ministre du budget de ces vingt dernières années, motivé ou non par le soufflet infligé au Phénix du haut Poitou, se sent des ailes pousser et revendique un titre dont il est bien le seul à se voir mériter. Misère d'une chambre haute devenue retraite de luxe pour politiciens dépassés, abaissée à des considérations de cloches et de clochers quand notre politique aurait tant besoin d'un peu plus de talent et de grandeur d'âme.


jeudi 25 septembre 2008

L'atroce impuissance de la création

Dans un essai sur la laïcité, Jean Bauberot nous rappelle que "Le passé, ce ne sont pas seulement des racines, c'est aussi ce dont nous nous sommes affranchis". Sages paroles qui rejoignent le dilemme de Gauguin tel que raconté par Monique Canto-Sperber ce matin sur France Culture : Gauguin se sent le devoir envers soi même de quitter sa famille et partir pour Tahiti, seule condition possible pour devenir ce à quoi il aspire. Il y a ce que je dois aux autres et ce que je dois à moi-même. Ais-je raison de causer du mal pour un rêve ? Une réponse n'est-elle possible qu'une fois la quête achevée ?

mercredi 24 septembre 2008

M. Houellebecq lance un appel au secours

Sans se départir de son sérieux, le quotidien de référence annonce la parution prochaine chez Flammarion d'un essai épistolaire entre Michel Houellebecq et Bernard-Henri Levy. Les rumeurs avaient circulé quant au nom du correspondant de notre écrivain post-dépressif en exil. Peu annonçaient un homme de lettres, encore moins de talent ; c'est donc sans véritable surprise que l'identité du célèbre mythomane nous fut révélé, et l'on se demande déjà si ce dernier se sera contenté d'expliquer à M.Houellebecq comment écrire, où s'il aura tenté d'associer le post-nihiliste à l'implication totale qu'il mène dans le combat pour la promotion de son implication.

mardi 23 septembre 2008

L'iPhone bientôt libéré ?

L'autorité de régulation des télécommunications, l'ARCEP, a décidé de lancer un nouvel appel d'offre pour un quatrième opérateur de téléphonie mobile. On se souvient que la précédente demande avait eu pour seul réponse celle de l'opérateur internet free, ce dernier se voyant finalement refusé un étalement du coût sur plusieurs années.

Il faut croire que les nombreuses protestations liées à ce refus, imputables non moins à un engouement soudain pour la concurrence qu'aux suspicions partiellement confirmées d'ententes entre les trois opérateurs existants, ont eu raison du lobbying de ces derniers.

On peut alors espérer que free, dont la stratégie commerciale a jusqu'à présent été fondée sur l'innovation à bas coût, exporte son modèle vers la téléphonie mobile et fasse chuter les prix et disparaitre par là même les marges abusives de ses futurs concurrents.



lundi 22 septembre 2008

Le Cuirassé Potemkine, S.M. Eisenstein

On trouve bien des raisons à reporter à plus tard la découverte de ce film si monumentalement présenté comme monument du patrimoine cinématographique : il s'agit d'un film ancien (1925) et osons même le dire, en noir et blanc ; sur un sujet qui ne fait plus guère rêver maintenant que l'on connait le dénouement de ces révolutions russes ; un film qui paie par ailleurs le prix de sa notoriété et de son statut, par une certaine réticence naturelle, comme celle qu'un lycéen prêterait à un roman classique imposé.

Offrons donc ici quelques sources de motivation au cinéphile dubitatif. Commençons par des arguments de concessionnaire : les performances. 72 minutes seulement ! Oui, 72 minutes vous suffiront pour enfin découvrir non seulement ce qui se cache derrière cet intriguant navire, mais également pouvoir évoque la "célèbre" scène du landau sur les escaliers d'Odessa, enrichir par là même votre connaissance de la géographie côtière ukrainienne, attribuer un film à Serguei Mikhailovitch Eisenstein (allez, je vous en offre un deuxième en prime, Alexandre Nevski), apprendre que les initiales S.M. devant Eisenstein ne font aucunement référence à des pratiques sexuelles ou à quelque titre de noblesse, etc.

Si tout cela ne vous a pas déjà convaincu, ajoutons cet ineffable mystère de l'histoire, qui vous fera contempler ces visages d'hommes et de femmes d'il y a presque un siècle, vivants, si vivants malgré les vertiges des ans et ce noir et blanc si vite oublié.



dimanche 21 septembre 2008

Des papous empapaoutés

Les exercices littéraires sont parfois cruels. Dans l'émission Des papous dans la tête diffusée ce midi, il fut question de distinguer parmi quatre textes lesquels relevaient de pastiches et lequel avait pour véritable auteur Blaise Cendrars. Les enthousiasmes communicatifs des deux joueurs à attribuer à chaque texte son auteur, dument argumentés à l'aide d'analyse techniques ou d'exaltations littéraires irréductibles, n'eurent d'égal que leur déconvenue à la révélation des réponses. Un tout faux qui fit passer les quelques phrases écrites à la va-vite par un pasticheur néammoins talentueux pour du Cendrars, et du Cendrars pour du cochon. Du mauvais usage de l'affectation ...

samedi 20 septembre 2008

Exercice de style

A la manière de ces journalistes de presse écrite en charge de billets, il est parfois bien laborieux de se prêter à l'exercice d'une écriture quotidienne en un temps limité. Le risque est grand de tomber dans une forme d'inSolétion, où le danger d'insignifiance du sujet ne trouve compétiteur à sa mesure que dans le vaste déploiement d'idées de carton auquel il pourrait donner lieu.
On accordera au quotidien de référence cette intéressante idée d'un éditorial non signé, attribué au vaste Monde et dont l'écriture est en réalité répartie de façon alternative entre les journalites. Un sujet vient à trouver quelque réponse indignée ou courroucée ? Le nom de l'auteur se dévoile alors, tenant pour établi sa signature, ce qui pourra étonner le lecteur attentif et peu au fait de cet anonymat sur mesure.
A ces scrupules d'un texte peu digne d'exposition, tout au moins pourra-t-on accorder le crédit d'une certaine conscience de la valeur des idées et des mots, gage d'une certaine sensibilité à défaut d'un certain talent.


jeudi 18 septembre 2008

Les bonnes dispositions

"My way to hapiness is questionable, I know" chante Action Biker dans The Fight, dernier titre de son album Hesperian Puisto. On ne saurait mieux dire et de si belle façon.


mercredi 17 septembre 2008

Ce que parler veut dire (de plus)

Comme l'énonçait Pierre Bourdieu dans Ce que parler veut dire, il y a dans toute forme d'oralité un implicite. On peut y voir, comme le fit le sociologue, un ensemble de présupposé résultant de structures sociales intériorisées. On peut également prolonger cette analyse en affectant aux structures mentales une composante psychologique intériorisée qui viendrait compléter la composante sociale. Ne s'agirait-il pas de cela quand on reproche en son for intérieur des propos tenus par un locuteur, non tant du fait de leur contenu que dans ce qu'ils attribuent implicitement au destinateur que nous sommes ?

mardi 16 septembre 2008

leçon de crise financière, chapitre 1

subprime : crédit immobilier accordé à une personne avec un fort risque d'insolvabilité, mais compensé par une hypothèque sur le bien, dans un contexte initial de marché de l'immobilier haussier. Si l'emprunteur ne peut plus rembourser, la banque devient vend le bien et recouvre la somme empruntée.

titrisation : je suis une banque ayant concédé à M.X un crédit hypothécaire à risque ou subprime. J'ai donc versé une somme à M.X en échange d'un remboursement garanti par son logement. Plutôt que d'attendre le remboursement, je vais vendre cette obligation contractuelle qu'à M.X de me rembourser, que j'appelle alors titre, à une autre banque. Le prix de ce titre est alors de l'ordre de grandeur de la somme prêtée.

crise des subprimes : l'effondrement du marché de l'immobilier américain, associée à une hausse des taux d'intérêt servant de base au calcul des remboursements de ces emprunts, a provoquée une hausse de l'insolvabilité avec impossibilité pour les créanciers de recouvrer la somme prêtée par la vente des biens. La valeur des titres s'effondre.


lundi 15 septembre 2008

Un lundi noir sous une pluie battante

On entend tout et son contraire sur l'ampleur de la crise financière qui secoue actuellement les Etats-Unis et, mondialisation oblige, la planète toute entière. Du côté d'un certain président du FMI, la métaphore est à l'orage. Patience, nous dit-il, la tempête n'est pas terminée, mais espérons que cette nuit de trombes d'eau zébrées d'éclairs ait quelque vertu purificatrice.
En vérité, l'économie ne se résume pas au secteur financier, et Joseph Stieglitz, qui patiente sous la pluie comme les autres, fait bon de rappeler que nous disposons aujourd'hui d'un certains nombre d'outils qui faisaient défaut en 1929. Les parapluies chinois et les bottes en caoutchouc indiennes , en effet, devraient nous rappeler que l'économie mondiale ne va pas si mal.

dimanche 14 septembre 2008

The Player, Robert Altman

Il y a bien sûr ce plan-séquence introductif de près de six minutes, scène d'exposition virevoltante dont on ne peut goûter l'entière saveur qu'une fois le film vu (vous avez dit DVD ?) ; il y a la mise en abîme finale, aussi maligne qu'un sourire dans un commissariat; il y a Bruce Willis, Julia Roberts, Jeff Goldblum, Sidney Pollack, Whoopie Goldberg, et quelques cinquante autres stars de ce petit monde; il y a Tim Robbins, auquel Robert Altman taille ici un rôle sur mesure, c'est à dire immense (1,94m) ; enfin il y a Greta Scacchi, femme parmi les femmes de cette génération, actrices d'un film oubliées dès la première ride.


samedi 13 septembre 2008

Une journée sans

Les déconvenues d'un jour : découvrir la bibliothèque nordique (fermée, ne rouvre que le 20 septembre), mettre la main sur une paire de S***r (une après-midi de marche pour r**n), compenser par un iPod touch 2G (en rupture untouch 2G), progresser dans les lectures de la semaine (pas cap de tout lire dimanche), surprise, des plaques à induction qui rendent l'âme et enfin un état de fatigue et lassitude suffisant pour rendre ces anodins désagréments aussi terribles que si le Destin lui-même avait décidé de vous snober comme un barman parisien.

La question du jour : är det möjligt att lyssna på P1 med iPod Touch ?

L'action du jour : prendre deux touristes en photo devant Notre-Dame ; la journée n'aura pas été perdue pour tout le monde ...

jeudi 11 septembre 2008

New ipod line - The thinnest Steve Jobs ever

C'est vrai qu'il était difficile de ne pas imaginer, alors que le CEO d'Apple présentait mardi sa nouvelle ligne de baladeurs Ipod, tenant dans la main le "thinnest nano ever", de ne pas imaginer une main immense tenant à son tour Steve Jobs tenant son Ipod, une voix off présentant les mérites comparés du "thinnest Steve Jobs ever" et de ses déclinaisons.
L'intéressé, non dépourvu d'une certaine auto-dérision, avait tenu à commençer sa présentation de façon fort inattendue ...

mercredi 10 septembre 2008

Les riches sont des feignants

Parmi les préjugés conservateurs les plus répandus, on trouve cette idée saugrenue selon laquelle les pauvres, et plus précisemment les chômeurs, seraient de sombres paresseux qui profiteraient des allocations sociales au soleil.

Ce genre de fadaise est intéressante à plus d'un titre. On peut en particulier s'étonner de la voir prononcée régulièrement par des personnes ayant par ailleurs tous les gages d'une éducation de qualité. Pierre Bourdieu avait coutume de remarquer que les individus se comportaient régulièrement dans un sens favorable à leurs intérêts, fut-ce inconsciemment. Dans notre cas, quel intérêt plus pressant pour une personne de catégorie sociale supérieure que de légitimer sa position et se dédouaner ainsi de toute culpabilité vis à vis des moins favorisés ? La grille d'analyse de l'intérêt particulier se prête particulièrement bien à cette situation, et conduit par exemple aux jugements de valeur associés, en particulier celui de la valeur travail. Curieuse coincidence en effet que ceux qui la revendiquent aient tout intérêt à le faire compte tenu de leur activité (responsabilités, rarement un emploi à la chaine) et de leur situation sociale (hauts revenus contre horaires soutenus).

Il y a par ailleurs dans cette affirmation une certaine forme de fanfaronade à valeur morale, du "moi, contrairement aux autres, je", qui n'a pas grand chose à voir avec les principes élémentaires de l'économie. On devrait pourtant se méfier de toute déclaration de ce type, consistant à preter à d'autres un comportement qu'en aucun cas on ne preterait à soi-même. Pourquoi une catégorie particulière de la population, en l'occurence les chomeurs, seraient pourvus d'un sens moral défaillant qui en justifierait même leur situation ? Il faut croire que certains ne se contentent pas d'avoir, ils veulent aussi le mérite de leur situation. Chiche.



mardi 9 septembre 2008

Une journée vide est souvent bien remplie

Voilà quelques jours maintenant que je me promets d'écrire quelques mots sur ce que l'on pourrait appeler l'accessibilité de l'art, et plus généralement de la beauté. Je veux dire par là qu'il est tout à fait possible, et même probable, de passer une journée sans être confronté à la moindre expérience esthétique et - pire encore - sans s'en rendre compte le moins du monde et le regretter.

Une caricature de journée moyenne d'un individu moyen (qui n'existe pas, soit) commencerait par l'écoute radiophonique d'informations, se poursuivrait par une lecture d'un quotidien (gratuit ou non) dans les transports en communs, le déroulement d'une journée de travail ronronnante, une fatigue et lassitude progressive, un retour somnambulique dans les transports en communs, quelques heures plus ou moins attentives de boite à images, dix pages d'un roman sans nom et un repos bien mérité. Qu'y aurait-il à redire à cela ? En une journée, notre individu inexistant s'est tenu informé des actualités à différentes reprises, a abattu un ensemble de tâches professionnelles conséquentes et gagné le droit de se se divertir sans déshonneur, du moins en bonne conscience.

Une journée vide est souvent bien remplie.


lundi 8 septembre 2008

Aimez-moi les uns les autres

Tandis que le Parti Socialiste prolonge sa petite sieste estivale, un diabolo fraise à portée de main, à l'UMP, apprend-on dans Libération, on ronge son os en attendant que son altesse présidentielle daigne lâcher les chiens. Les querelles relatives aux prochaines élections régionales ou à la présidence du parti sont oubliées, le temps d'une photo de famille "entre amis". Pas de morsures de mollets donc, mais des crocs bien visibles, qu'ils soient assumés ou camouflées par une fausse bonhomie de vendeur d'assurance picard. Bienvenue chez les ch'gros malins ...


dimanche 7 septembre 2008

Armes, trafic et raison d'Etat

On ne saurait que recommander le très instructif documentaire sur le commerce et le trafic d'armes diffusé sur Arte la semaine dernière, et toujours visible sur le site internet Arte+7. De la guerre civile en Sierra Leone aux délibérations de l'ONU à New-york, en passant par les affrontements de guerilla dans la région des grands lacs africains, Paul Moreira suit les activités d'organisations non gouvernementales, en particulier Amnesty International, dans leur lutte contre le commerce des armes.

Après avoir montré comment un simple cliché photographique a pu conduire à prouver l'implication de la Chine au Darfour, le journaliste mène un véritable travail d'enquête, quitte à prendre des risques, pour remonter la filière de l'armement à partir d'observations de terrain. Un numéro de série sur le flanc d'un AK47, et c'est une usine et un pays producteur qui sont identifiés. Mais le réseau de l'armement clandestin n'est pas si simple. Combien d'intermédiaires entre ces miliciens Tutsi et l'entreprise d'armement en amont de la chaîne ?

Une fois ce constat établi, l'absence de législation internationale parait au mieux absurde. D'où cette initiative de plusieurs ONG, à l'origine d'une proposition d'accord négociée à l'ONU sur la réglementation du commerce d'arme et la mise en place d'un droit international. Bien des Etats semblent convaincus du bien fondé de la démarche, mais encore faudra-t-il convaincre les Etats-Unis, premier vendeur d'armes au monde, de signer l'acte de condamnation de ses propres activités clandestines ...




samedi 6 septembre 2008

Le chevalier ivre

"- Il y a un chevalier ivre dans votre roman ?
- oui, je viens de l'inventer"
Mais il n'y a pas que cela dans ce film : des robes de soie à motif floral, des rideaux rouges qui se balancent dans le vent, des soupes et soja et des nouilles, un jeu de majong, des frôlements chastes que l'on ne peut oublier, une conversation sous la pluie, une vieille histoire où il est question de secrets qui se racontent aux arbres et que l'on scelle avec de la terre, et les pantoufles de Mme Chang.

Be Happy, Mike Leigh

Voilà un film qui a contre lui bien des arguments. A commencer par Mike Leigh lui-même. Comment ne pas trouver suspect cet incroyable retournement de point de vue d'un des réalisateurs les plus pessimistes qui soit. Que ce soit avec Secrets et Mensonges, All or Nothing ou plus récemment Vera Drake, on s'était habitué à ces témoignages de désespoir social, de face à face avec une réalité sombre que Mike Leigh se chargeait de nous remémorer.
Be Happy nous est annoncé comme une comédie sociale pétillante, mettant en scène un personnage maladivement optimiste (Sally Hawkins) et bien décidé à transmettre sa bonne humeur à la terre entière.

L'expérience du film passée, que reste-il de ces a priori ? Avant tout le soulagement d'avoir échappé à un nouveau feel good movie et aux décors et émotions de carton pâte qui vont avec. Certes, il s'agit d'une comédie, mais l'orientation émotionnelle du film est plus nuancée. Poppy, malgré ses efforts, échoue à plus d'un titre dans sa mission de soeur sourire. Quelques scènes laissent la place à la tension et l'émotion et on est presque surpris de retourver là le Mike Leigh que l'on a toujours connu.

L'ensemble du film le plus cockney de l'année laisse une impression certes inégale, mais entre les quelques maladresses et de vraies scènes de cinéma qui touchent juste, tant dans le registre de la comédie (un cours de flamenco inoubliable) que du drame ("you know..."), on ne peut que souscrire à l'optimisme de Poppy et accorder à Be Happy la sympathie qu'il mérite.



jeudi 4 septembre 2008

Les premiers mots

Impossible de retrouver les mots exacts, mais le sens y est : "que Dieu me soit témoin du fait que j'aurais tout tenté pour l'élever vers quelque-chose de plus noble et de plus digne". Il s'agit là des regrets du personnage de Swann, exprimant son dépit à constater l'attachement d'Odette aux Verdurins, et son impuissance à y mettre un terme.
Grâce à l'émission l'éloge du savoir, programmée chaque matin de 6h à 7h sur France Culture, il est ces temps-ci possible d'être réveillé - thème ô combien proustien - par les mots du maître et les analyses d'Antoine Compagnon. Pour un éveil aux horizons plus nobles et plus dignes ?

mercredi 3 septembre 2008

Rentrée du journal télévisé

Nouvelle tentative de journal télévisé de France 2 ce soir, nouvel échec. A peine présentés les différents titres de son édition, M. Pujadas enchaîne sur son premier sujet : un nouvel acte de piraterie dans le golf d'Aden, sur un voilier français et concernant au moins deux de nos ressortissants. Voilà, selon l'équipe journalistique de la chaîne publique, le principal fait marquant intervenu depuis 24 heures sur notre belle planète. Ouvrir son journal sur un fait divers français à l'international, il fallait y penser, M. Pujadas l'a fait ...


mardi 2 septembre 2008

Gomorra, Matteo Garrone


Le roman homonyme avait valu de sérieuses menaces à son auteur, Roberto Saviano, ouvertement menacé de mort par la Camora. Avec cette brillante adaptation cinématographique de Matteo Garrone, nous voilà donc plongés en pleine Campanie italienne, spectateurs témoins de ces luttes de clans dictées par le règlement de compte permanent.

Le cadre, tout d'abord, est impressionnant. Deux immenses barres d'immeubles décharnées, tels d'antiques paquebots en ruines échoués parmi les champs et la poussière. A l'intérieur, la vie fourmille, pauvre et digne comme le veut l'image. Un homme mûr, Don Ciro, circule d'appartement en appartement, distribuant aux personnes de sa liste un nombre précis de billets. Mais les temps sont dûrs, on parle même de sécessionnistes de plus en plus nombreux et organisés, personnes n'est plus à l'abris. Le jeune Toto, lui, n'a pas 14 ans qu'il rêve déjà de rejoindre l'organisation; son meilleur amis rejoint les sécessionnistes. Plus loin, deux jeunes se croient plus malin que tout le monde et jouent avec le diable. Un tailleur responsable d'un atelier de haute couture se risque lui aussi à mettre sa vie en péril, tant par besoin que par défi. Enfin, une entreprise offre un bon prix à qui saura la débarrasser de ses déchets toxiques. Les carrières napolitaines ne sont pas loin.

A travers ces morceaux de vie croisée, ce sont autant de facettes qui confirment la violence et la haine d'une société rongée par le crime organisé, sans jamais par ailleurs tomber dans la complaisance à laquelle ce type de sujet nous avait habituée. Loin de la violence apologétique des Scarface et autres Parrains, la pauvreté, l'oppression et la peur teintent chacune de ces histoires entremêlées et nous révèlent un peu plus la mécanique rouillée et inquiétante de la pieuvre.



lundi 1 septembre 2008

Le silence de Lorna, Jean-Pierre et Luc Dardenne


Le dernier film de la famille Dardenne, qui aurait pu valoir une troisième palme d'or cannoise à ces inséparables frères, doit beaucoup à son actrice principale, Arta Dobroshi. Une fois de plus, il est ici question de misère sociale. Une jeune femme, en partie manipulée par un sordide organisateur de mariages blancs, envisage de se débarrasser de son mari toxicomane, en mettant en scène une overdose. Il faut se presser, un client russe étant déjà promis à la future veuve.

Le scénario en place, tout se passe comme si les acteurs donnaient vie à leurs personnages et les laissaient réagir à cette mise en situation périlleuse. C'est alors un remarquable travail de précision et d'empathie qui nous est offert. Fabrizio Rongione est glaçant dans son interprétation du salopard faussement sympathique (Fabio). Jérémie Rénier, comme toujours, s'avère particulièrement convaincant et donne à Claudy toute sa fragilité, sa misère et malgré tout cet espoir ténu d'en voir un jour le bout. Que dire enfin d'Arta Dobroshi, inconnue il y a tout juste quelques mois, révélée au grand jour dans ce rôle taillé sur mesure ? Elle incarne ici à merveille cette femme marquée par la misère mais qui, comme Claudy, garde espoir. Mais celui-ci est noir, glacé par ces sales compromissions qu'il faut bien accepter pour pouvoir s'en sortir, c'est du moins ce que tentera de lui expliquer Fabio. Une fable moderne venue du Nord, pour ne pas oublier ce qu'est la vie et ce qu'est le cinéma.