samedi 20 octobre 2007

La physique des catastrophes, Marisha Pessl


Voici certainement la bonne surprise de cette rentrée littéraire. La physique des catastrophes - Special topics in calamity physics pour les anglophones - est le premire roman de Marisha Pessl, new-yorkaise de 27, 28, 29 ou 30 ans selon les sources. Notons d'ailleurs là un des grands mystères de notre époque, étouffée par la sur-présence médiatique mais ou l'information partielle voire ouvertement erronée règne en maître. Mais passons sur ce point qui mériterait plus qu'un article.

La première qualité de ce livre est le plaisir que l'on prend à sa lecture. Tout y est très soigné : style, intrigue, personnages, contexte narratif, même le livre lui-même - édition Gallimard, collection du monde entier - confère à l'ensemble un je-ne-sais-quoi de précis et d'appliqué dont on ne peut être que reconnaissant.

La narratrice, Bleue Van Meer, 17 ans, vient d'arriver dans un nouvel établissement et entamme l'année de sa terminale. Cette élève brillante et solitaire est élevé par son père, talentueux conférencier qui la promène d'état en état au gré de ses mutations et égrenne les conquêtes féminines d'une semaine.
Comme on peut s'y attendre, cette année à St-Gallway ne se passera pas tout à fait comme prévu et je vous laisse le plaisir de le découvrir.

Le roman possède deux particularités. Tout d'abord, il est égréné de dessins, attribués à la narratrice et réalisés par la romancière, ce qui donne de la consistance au récit et crédibilise l'emploi de la première personne Bleue-Marisha. D'autre part, la narratrice nourrit son texte de citations ou plutôt de références littéraires plus ou moins sérieuses qui appuient le savoir livresque de son personnages tout en s'en amusant.

Dans un monde à l'heure qui l'est - 21h01 20 octobre 2007 - toujours en proie à une édifiante et bavarde inculture de masse, la lecture de cette physique des catastrophes offrera au lecteur résistant une bouffée d'oxygène aussi inattendue qu'appréciable.

samedi 13 octobre 2007

Good canary, Zach Helm


Le théâtre Comedia propose actuellement une pièce mise en scène par John Malkovich, Good canary. L'auteur, Zach Helm, 32 ans, est peu connu en Europe mais bénéficie du statut de figure montante de la scène américaine. Cela ajouté à la notoriété de M. Malkovich et à la présence d'acteurs imprévisibles ne pouvait que susciter une vive curiosité.

Sans en dévoiler les clés, l'histoire est celle d'un couple d'écrivains que l'on imagine new-yorkais et confrontés aux affres de la notoriété naissante et de ses sombres compagnons : orgueuil et doute, reconnaissance et mépris, rage identitaire, et moi et moi et moi. C'est donc une Cristina Reali nevrosissimantesque que Jacques - Vincent Elbaz, convainquant en ours consolateur en laisse - devra accompagner et protéger avant tout contre elle-même, sous la menace sourde d'un secret que l'on devine dévorant. Cette trame simple, accompagnée d'un texte idoine, laisse peu d'appui aux acteurs mais leur offre l'opportunité de donner corps à leurs personnages. La difficulté se montre peut-être dans leur caractère univoque, leur singulier manque de relief. Même la complexité d'Annie est donnée comme un trait de caractère, comme la timidité ou le romantisme. Or toute complexité est complexité de quelque-chose - si je vous le dit - et c'est ce contenu qui manque. En un mot, on serai tenté de dire que les personnages ne sont pas à la hauteur de la pièce. Les acteurs, et bien les acteurs incarnent très bien leur personnage, peut-on leur reprocher ?

Par ailleurs, impossible d'évoquer cette pièce sans aborder la très bonne mise en scène de John Malkovich. Le décor est constitué de six cubes vidéo mobiles, sur lesquels sont projetés les décors, et de mobilier sur roulettes entrant et sortant de scène avec la légèreté d'une parenthèse. La musique, très présente, se révèle bienvenue lors de scènes comme celle de la soirée, probablement le point fort de la pièce. Pour le coup, son onirisme doit tout à la mise en scène (peut-être aussi au constraste avec le décor kitch du théatre Comedia). Sur la fin, son intérêt est moins flagrant, on se dit que le petit Yann Tiersen de la 5ème avenue en rajoute un peu et qu'un peu de Cansei de ser sexy ne lui ferait pas de mal.

Une fois le rideau tombé, difficile de ne pas être partagé entre ces quelques scènes de théâtre contemporain d'excellente facture - la soirée, les téléphones, le théâtre muet - et un texte décevant qui donne peu leur chance aux personnages.

lundi 8 octobre 2007

King Africa

The "I wanna be somewhere else" project

Good Morning


Good Morning
Originally uploaded by Mr. McDuff
Exactly how I feel these mornings

4 mois, 3 semaines, 2 jours, Christian Mungiu


Il y a 4 mois, 3 semaines et 2 jours (à peu près), ce film roumain de l'inconnu Christian Mungiu recevait la palme d'or du festival de Cannes 2007.
Un sujet difficile - l'avortement d'une étudiante dans la Roumanie de Ceaucescu, une sortie différée à l'automne et donc privée de l'élan de la récompense canoise, il n'en aura pas fallut plus pour voir ce film privé de l'exposition qu'il mérite et confiné à seulement quelques salles dans la capitale. Un traitement d'autant plus curieux que le film est à bien des égards remarquable, tant par sa forme admirable maîtrisée - peut-être trop pour certains ? - que par son contenu humain.
D'une justesse touchante, 4 mois, 3 semaines et 2 jours doit à une actrice - Anamaria Marinca, définitivement à suivre - sa grace fragile et débrouillarde, magnifiée par une photo et une mise en scène royales. Depuis ces scènes de vie quotidienne à l'internat de l'université polytechnique jusqu'à l'épilogue en marge d'un banquet de noces qui appartient déjà au passé, en passant par un plan séquence épique sur un repas familial, ce sont d'absolus moments de vie et de cinema qui nous sont offerts. Un film à ne pas manquer.