jeudi 1 janvier 2009

La condescendance du si tu veux

En tête du palmarès 2008 des tics de langage de l'entreprise, le si tu veux l'emporte sans concurrence sérieuse. Il faut dire que cette expression multiplie les arguments en sa faveur.

Elle indique tout d'abord la connaissance que l'on a d'un sujet relativement complexe et la volonté charitable d'en simplifier les ressorts pour son interlocuteur. De façon plus ténue, on peut y lire une certaine implication de celui qui l'emploie dans l'action qu'il décrit, l'importance et le sérieux de cette dernière, et dès lors une démarcation soulignée entre ceux qui savent et les autres. Dès lors, le si tu veux relève du cadeau, expression des initiés qui daignent concéder une explication aux autres.

Il n'est donc pas rare de la voir employée dans les conversations sur les sujets les plus porteurs et revêtus de l'importance symbolique la plus élevée, à commencer par les personnes les moins susceptibles de discernement : nouveaux promus ayant à cœur d'embrasser le sérieux de ces activités jusque-là refusées, supérieurs en opportunité de signifier leur position hiérarchique à leurs troupes (certains n'étant alors pas dupes des mots qu'ils emploient), etc.

Le si tu veux s'inscrit également dans une forme de discours tenant de la fausse proximité. Relevant du langage familier, ayant clairement le sens d'une concession amicale, il relève tant du procédé de différenciation entre initiés et exclus que de la volonté amicale d'en atténuer les effets par une explication.

Il n'est donc pas étonnant de le voir se développer dans le contexte de l'entreprise, organisation hiérarchique où chacun aspire de façon contradictoire à des aspirations personnelles relevant de la distinction et à la volonté de nouer des rapports amicaux et humains avec ses collègues.

là où le si tu veux se rêve amical et explicatif, il ne peut se départir de son rôle de marqueur d'ignorance (du sens des mots et expressions que l'on emploie), de vanité (celle de celui qui sait), d'exclusion (ceux qui savent et les autres) et de condescendance (vis à vis de celui à qui il faut expliquer les vrais problèmes en simplifiant).




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