vendredi 28 septembre 2007

Cendrillon, Eric Reinhardt


Ainsi donc, d'aucuns se seraient permis d'exprimer leur désintérêt pour le précédent roman d'Eric Reinhardt. Pire, c'est à l'occasion d'une émission de France Culture que ces critiques littéraires germanopratins se seraient prononcés, brisant dès lors tout espoir de reconnaissance par ses pairs pour cet auteur désormais marqué par la disgrâce et le déshonneur. Pleurs, soleil couchant, fermez le rideau, la messe est dite.

Bien entendu, on l'aura compris, tout cela ne peut s'agir que d'un complot ourdi par une bougeoisie parisienne de gauche, menacée par le talent de ce Reinhardt provincial qu'il a donc convenu d'éliminer symboliquement. C'est en tout cas la thèse soutenue tout le long de ce livre, illustrée par une mise en perspective des déboires littéraires de l'auteur au moyen de clones légèrements modifiés, tous marqués par le destin de traumas familiaux destructeurs et des obsessions communes.

On aurait pû plaider l'humour, l'autodérision résignée si chaque personnage n'était décrit avec le sérieux le plus nombriliste qu'il ait été donné de lire cette année. Car ainsi donc, il y aurait tous ces exclus, ces chomeurs enfermés dans un comportement auto-destructeur et vivant de clopinettes, et puis Eric Reinhardt, véritable SDF du petit monde littéraire parisien après sa flagellation sur France Culture. Outre le caractère relativement odieux de la métaphore, il n'est tout simplement jamais question pour lui d'envisager l'idée que le roman ait pû s'avérer quelconque, voire mauvais. Non, il ne peut s'agir d'une conspiration, un dégât collatéral de plus à mettre au débit de cette toujours actuelle lutte des classes, qui pour le coup a bon dos.

Malheureusement, si M. Reinhardt n'a pas eu la chance de naître dans une famille bourgeoise des beaux quartiers, si en conséquence l'écriture d'un roman de qualité lui est moins accessible qu'à d'autres, un mauvais roman reste un mauvais roman. Et il n'y aura jamais d'excuse sociologique qui autorise à qualifier un mauvais roman d'exceptionnel, au motif que l'effort consenti serait supérieur à d'autres. Or ce que l'on perçoit à travers tout le texte est bien plus le regret de ne pas appartenir par naissance à cette élite culturelle que celui de parvenir par son travail à un résultat littéraire brillant. Cela nous vaudra d'ailleurs nombre d'immatures fanfaronades : oui, je connais personnellement Preljocaj, oui je lisais Mallarmé à 8 ans, etc. Ecartons également le faux problème du "que serais-je devenu si je n'avais pas rencontré Margot à 23 ans ?", car de Margot il n'est question que comme objet, femme-objet observée, épiée, adulée mais qui jamais n'aura la parole. Une Margot idée fixe, comme le sont ces obsessions pour les pieds cambré ou la pointure 37 1/2, qui placent le roman dans le confinement obsessionnel du "je" là ou la littérature française à tant besoin d'ouverture, de voyages et de fraicheur étrangère.

Dès lors, terminons diplomatiquement sur cette bonne vieille idée de liberté, liberté d'écrire un livre sur n'importe quel sujet, liberté de ne ne pas aimer un livre, liberté de ne pas lire un livre, liberté de critiquer.

1 commentaire:

Loïc a dit…

Personne ne sait à France Culture, quelle émission a dézingué 'le moral des ménages.'

Mauvaise foi ou mémoire courte ?